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merveilleuses du Mont Cavalier ; mais quelqu’un l’avait attendu au passage. Le convoi des voleurs allait entrer dans la prison, son gîte pour la nuit, quand tout à coup une vieille femme s’élança, éplorée : c’était la pieuse dame huguenote, née Planchon, mère de Donnadieu… « Gabriel ! mon Gabriel traité de la sorte ! Atroce gouvernement !… » Mais lui, — on l’écoutait : — « Ne vous indignez pas, ma mère. Le Consul a été trompé. Son âme est équitable, et son cœur magnanime : il confondra bientôt mes calomniateurs. Moi, je suis résigné… » Le pardon d’un martyr !… L’officier de gendarmerie prit note d’une pareille repentance ; puis au matin on se remit en route…

Voulant, toutefois, hâter la justice immanente, la bonne dame Donnadieu écrivit au ministre Berthier. Nous possédons sa lettre ; elle est touchante en sa prière naïve, et fait honneur à la noble créature qui l’a rédigée : « Une mère infortunée, autant et plus qu’épouse malheureuse, ose jeter vers vous un cri de désespoir… Il me restait un fils pour toute fortune et toute consolation, et je l’ai vu conduit comme un criminel parmi les misérables que leur pays rejette de son sein !… Ah ! pauvre femme, comment ne suis-je pas morte de honte et de douleur !… » Oui, pauvre femme ; veuve d’un alcoolique et d’un suicidé, mère d’un enfant rivé à la brancade ! Hélas ! pourquoi subissait-elle d’aussi cruelles épreuves ?… Mais ses pasteurs, les austères messieurs à robe d’avocat, sans doute lui expliquèrent l’inexplicable chose : les décrets du Très-Haut restent impénétrables ; il veut des réprouvés puisqu’il veut des élus, et l’homme a tort, madame, de discuter la Providence… Fut-elle consolée ? Nous ne le croyons pas.

Au surplus, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ; Malebranche avec Leibnitz, et après eux Pangloss, nous l’ont congrûment démontré… Des gendarmes et des menottes devaient donc être la récompense de Donnadieu.


ÉPILOGUE

Raconter en détail ce que devinrent les personnages apparus, un instant, au cours de ce récit serait sortir de notre sujet. Le roman de leur destinée se prolongea longtemps encore, rempli de pittoresques aventures, de faits bizarres et surprenans ; mais notre tâche est achevée. Disons, toutefois, en quelques mots