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invités à s’arrêter à Gellone : pour les y encourager, on leur chantait les exploits du saint, fameux dans toute la région. Saint-Guilhem n’était pas un ermitage désolé, c’était une abbaye située près d’une grande route, et, comme elle possédait la tombe de Guillaume, elle recevait beaucoup de visites. Elle eut le désir bien naturel d’en recevoir toujours et de rendre éclatante la gloire du saint. Grâce aux chroniques et aux traditions monastiques, elle put aisément documenter ces jongleurs qui avaient coutume d’accompagner les pèlerins et qui, aux étapes, aux abords des monastères, des hospices, des chapelles et des sanctuaires, chantaient, pour récréer ou émouvoir les auditeurs, des histoires merveilleuses. Une fois fixés les traits principaux du personnage qu’ils célébraient, ses exploits du temps de Charlemagne contre les Sarrasins, et sa retraite pieuse à Gellone, les chanteurs pouvaient imaginer librement. Ils ne s’en privaient pas, mais ils utilisaient adroitement pour les faire rentrer dans leurs romans et pour y intéresser les voyageurs, les lieux notables qu’ils traversaient. Comme ils accompagnaient les pèlerins au moins sur une partie de la route, ils la connaissaient bien ; ils savaient où il y avait des stations, des abbayes, qui peu à peu comme Gellone s’intéressèrent à Guillaume, et ainsi les principaux épisodes du cycle de Guillaume se trouvent tous groupés autour de certaines étapes, sur des points du parcours que suivaient traditionnellement les pèlerins.

Il existe, dans l’une des chansons du cycle, un passage bien curieux et qui prouve les connaissances géographiques des jongleurs : c’est celui où Guillaume décrit lui-même l’itinéraire qu’il suivra en partant de Paris pour aller combattre les Sarrasins dans le Midi. Cet itinéraire, c’est tout le programme du voyage qu’entreprenaient les pèlerins, c’est celui-là même que recommande le Guide : Paris, Brioude, Le Puy, Nîmes, Saint-Gilles. Et si l’on considère non pas une seule chanson, mais l’ensemble du cycle, on s’aperçoit que, dans la plupart des villes du chemin, se place quelque épisode de la geste. On dirait que tout est combiné pour qu’à chaque point important du pieux voyage se retrouve le souvenir de Guillaume. A Paris, les pèlerins s’assemblent à l’hospice Saint-Jacques : or, c’est là même que se place la belle histoire insérée dans la chanson du Moniage Guillaume, celle de la lutte engagée par Guillaume déjà vieux contre le Sarrasin Isoré, à remplacement qui est aujourd’hui la