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L’Autriche-Hongrie avait, elle aussi, des changemens : engagement envers la Turquie, très précis, dont le texte, publié ici pour la première fois par M. Hanotaux d’après les Mémoires de Carathéodory pacha, fut une révélation même pour les intéressés : — aussi la verrons-nous, avant de livrer la bataille diplomatique finale, désintéresser la Turquie en négociant directement avec elle et en lui payant deux millions et demi de livres turques ; — engagemens envers les puissances signataires du traité de Berlin. Mais, vis-à-vis de la Serbie, aucun engagement. On a, à la vérité, rappelé récemment que Andrassy, en 1869, alors qu’il n’était que premier ministre hongrois, mais à la veille de devenir chancelier de l’Empire, aurait fait proposer au gouvernement serbe, par M. de Kallay, alors ministre d’Autriche-Hongrie à Belgrade, une sorte de partage de la Bosnie et de l’Herzégovine : « L’Autriche-Hongrie s’engageait à obtenir pour la Serbie l’annexion de la Bosnie, de l’Herzégovine et de la Vieille-Serbie, de sorte que ces provinces auraient à former, avec la Serbie actuelle, un nouvel Etat serbe qui resterait sous la suzeraineté de la Porte aux mêmes conditions que la Serbie actuelle… L’Autriche-Hongrie prendrait pour son compte la partie occidentale de la Bosnie jusqu’à Verbas et jusqu’à la Narenta[1]. » Mais ces propositions n’étaient faites que par un ministre hongrois ; elles sont antérieures à toutes les conventions avec la Russie et, d’ailleurs, elles n’eurent pas de suite.

La politique de Vienne, surtout depuis la convention de Reichstadt et le traité de Berlin, a toujours été d’attirer la Serbie dans l’orbite de son influence : il n’est pas besoin de le démontrer une fois de plus. Telle a été, dans la dernière crise, la préoccupation constante de l’Autriche : elle n’a voulu traiter avec la Serbie que seule à seule, en tête à tête ; elle s’est montrée intraitable chaque fois qu’une puissance européenne a cherché à s’interposer ; elle a d’autant moins consenti à discuter son droit avec des tiers que peut-être sentait-elle que son meilleur argument était encore sa force ; elle n’a pas refusé de négocier, même dans une conférence, avec les signataires du traité de Berlin, mais elle y a toujours mis pour condition qu’il ne serait pas question de la Serbie. Cette simple constatation éclaire et domine tout le développement de la politique autrichienne dans ces derniers mois. La

  1. Article déjà cité de M. Ch. Printa, p. 257.