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chevalier de l’amitié fidèle et de l’alliance inébranlable. Pour isoler la Serbie et la livrer pieds et poings liés à la discrétion de l’Autriche, c’est à Pétersbourg qu’il fallait frapper. Le comte de Pourtalès reçut l’ordre de déclarer à M. Isvolski que si la Russie ne reconnaissait pas l’annexion de la Bosnie sans délai ni réserve, l’Allemagne se verrait dans la nécessité de laisser l’Autriche agir en Serbie et qu’alors ce serait la guerre ; et l’ambassadeur laissait entendre que, au cas où l’armée autrichienne serait occupée au Sud, l’Allemagne prendrait des mesures militaires pour lui garantir la sécurité de sa frontière Nord. M. Isvolski céda sur-le-champ. On a voulu expliquer cette capitulation brusque par une intervention personnelle de Guillaume II dans une lettre au Tsar. On a dit que M. Isvolski aurait été menacé de la publication d’accords secrets de 1897 ou d’un procès-verbal constatant sa propre adhésion, à Buchlau, aux projets du baron d’Æhrenthal. Tout cela est possible, mais n’est qu’accessoire. M. Isvolski a cédé à la menace, enveloppée mais claire, de l’Allemagne, parce qu’il était résolu, — il l’avait dit à Paris le 7 octobre, — à ne pas faire la guerre pour la Bosnie et parce qu’il s’était engagé trop avant, sur un mauvais terrain, pour une cause qui ne pouvait être défendue que par les armes en proclamant la guerre sainte du Slavisme contre le Germanisme. La faute de M. Isvolski est moins d’avoir cédé, que de s’être trop engagé et d’avoir laissé passer des occasions de donner, à une affaire mai commencée, une solution moins onéreuse.

M. Isvolski ayant informé le Cabinet de Belgrade de sa résolution de reconnaître le fait accompli, celui-ci céda sans délai : il n’avait jamais, lui non plus, souhaité la guerre ; il reconnut sans conditions l’annexion de la Bosnie-Herzégovine et s’engagea à n’y pas faire de propagande et à n’y pas causer de troubles. La France et l’Angleterre discutèrent quelques jours encore, eurent une dernière escarmouche, pour l’honneur, obtinrent même, pour la Serbie, une note plus conciliante, puis s’inclinèrent. L’article 25 du traité de Berlin fut déclaré abrogé. On ne tarda guère à tomber d’accord pour modifier l’article 29 et délivrer le Monténégro des restrictions apportées à sa pleine indépendance : ainsi se réalisaient les promesses faites, à Salzbourg et à Desio, à M. Tittoni (septembre 1908). Les puissances, en commençant par la Russie, reconnurent l’indépendance de la Bulgarie et L’élévation de son prince à la dignité de roi des Bulgares. La crise était finie.