Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/901

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des quatre chambres correctionnelles, et y comparaissaient mêlés aux délinquans adultes.

Dans cet état, devant ces tribunaux qui jugeaient des causes d’enfans parmi les trop nombreuses causes d’adultes, on comprend quelle hardiesse ce fut de vouloir, sans tarder, une juridiction spéciale. Avec des lois qui prévoyaient pour les mineurs, en cas d’acquittement, trois mesures : — remise à la famille : garde confiée à une personne, à un patronage, à l’Assistance publique ; envoi en correction, — il n’y avait qu’un audacieux pour prétendre inaugurer, tout de suite, sans changement dans les lois, la mesure originale de la liberté surveillée.

L’audacieux fut M. Rollet. Vivement intéressé par la conférence de M. Julhiet, il résolut d’appliquer en France cette mesure qui avait si bien réussi à Amérique, et dès le 10 février, quatre jours après la conférence, il fit en effet sa tentative à l’audience de la 8e Chambre.

Ce fut une scène très curieuse dans sa simplicité. Trois jeunes gens étaient prévenus de vols à l’étalage. L’un des trois, mineur de seize ans, comparaissait pour la première fois : les renseignemens fournis sur lui n’étaient ni très bons, ni très mauvais ; sa mère, veuve, le réclamait et promettait de le surveiller ; mais le Tribunal, craignant que la surveillance ne fût insuffisante, hésitait à satisfaire ce désir. Me Rollet, alors, s’avança à la barre et proposa aux magistrats la combinaison que voici : « Donnez au Patronage de l’enfance la garde de ce jeune homme ; le Patronage, au lieu de le retenir, le rendra à sa mère ; mais il le surveillera, et, au moindre écart, le reprendra pour le placer au mieux de ses intérêts. »

Le Tribunal fut séduit par l’ingéniosité de ce moyen qui, sans porter atteinte à la loi, répondait au vœu de la mère et sauvegardait l’avenir de l’enfant. Il jugea comme le demandait Me Rollet ; et, le jugement rendu, la garde confiée au Patronage, l’enfant fut remis à sa mère, pour être surveillé par Me Guignot, le jeune avocat qui avait présenté sa défense. De ce jour, il est vrai de dire que la liberté surveillée a été établie en France. Il n’était que de trouver le détour adroit et d’ailleurs parfaitement légal, que Me Rollet avait proposé au tribunal ; le grand mérite de Me Rollet est précisément de l’avoir trouvé. Comme le propre des idées neuves et justes est de se répandre avec rapidité, tout de suite, les juges d’instruction, avertis, proposèrent à Me Rollet