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Aussi, de tout temps, a-t-on cherché à s’élever de manière à plonger ses regards sur la zone occupée par l’ennemi, et à constater de visu l’emplacement de ses troupes. Les arbres, les clochers, les collines ont toujours été recherchés comme observatoires militaires, et dans tous les tableaux de bataille, on voit le général et son état-major sur une sorte de tertre d’où il embrasse l’ensemble du théâtre de la lutte. Mais ces observatoires terrestres ne dominent, en général, que d’une faible hauteur le terrain à observer ; les rayons visuels y arrivent sous une incidence rasante, et des obstacles de faible hauteur tels que des haies, des forêts, des maisons, des plis de terrain, suffisent à dissimuler les troupes aux yeux des observateurs.

Dès l’invention des ballons, on fut frappé des services que ces « nouvelles machines, » comme on disait alors, pouvaient rendre aux armées. À cette époque, on ne pouvait les utiliser que de deux manières : à l’état libre ou à l’état captif.

Les aérostats libres sont le jouet du vent : toutefois, en choisissant convenablement le point de départ, on peut, dans certaines circonstances, faire passer un ballon libre au-dessus d’une zone à observer ; mais l’aérostat libre va toujours où le vent le mène, et il est incapable de revenir rendre compte de sa mission à celui qui l’a envoyé. Les renseignemens qu’il recueille ne peuvent donc être transmis qu’en faisant de grands détours par voie de terre, ou en franchissant les lignes ennemies, ou encore par voie aérienne au moyen de pigeons voyageurs. Tous ces procédés sont lents, précaires, et jamais le ballon libre ne sera un engin pratique de reconnaissances militaires. Ses applications à la guerre ont été d’un tout autre ordre ; il en est une célèbre dans l’histoire, c’est l’emploi des aérostats pendant le siège de Paris, en 1870-71, pour faire communiquer la capitale investie avec le reste de notre territoire. Ils rendirent alors des services énormes, et ce fut la plus belle page de leur histoire militaire, sinon la seule.

En raison de ces inconvéniens du ballon libre, on songea naturellement à utiliser les aérostats à l’état captif. Maintenu ainsi à proximité de l’état-major qu’il est destiné à éclairer, le ballon peut lui faire parvenir rapidement ses renseignemens ; en revanche, il est obligé d’avoir son point d’attache sur le terrain occupé par les troupes amies, c’est-à-dire à une assez grande