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distance de l’ennemi ; il ne domine donc pas verticalement ses positions, mais les observe de loin.

Grâce à sa faculté de monter à plusieurs centaines de mètres, les rayons visuels partant de la nacelle jusqu’à la zone à observer sont plus relevés que ceux qui viennent d’un observatoire terrestre d’une hauteur de quelques dizaines de mètres. Néanmoins, la zone d’observation d’un ballon captif est assez limitée : à partir d’une distance égale à dix ou quinze fois sa hauteur, il ne peut voir le terrain que sous une incidence rasante, et les renseignemens qu’il peut donner sont forcément incomplets. En somme, le ballon captif est un observatoire terrien perfectionné en ce sens qu’il est plus élevé que ceux dont on dispose ordinairement, et que de plus il est transportable ; cependant, il subit, bien qu’à un degré moindre, les inconvéniens inhérens à ceux-ci.

Dès lors, il ne faut pas s’étonner si l’emploi des ballons captifs aux armées à la fin du XVIIIe siècle eut un succès relatif. Après quelques années, leur suppression fut décidée, d’abord sur la demande de Hoche, et plus tard d’une façon définitive par Napoléon Ier. Pourquoi ces hommes de guerre, dont nul ne peut discuter le mérite, renoncèrent-ils à ce nouvel engin d’observation ? C’est parce qu’à leur avis les services rendus n’étaient pas en proportion avec la gêne que causaient les ballons captifs et leur manœuvre. Dans l’étal de la science, à cette époque, les ascensions, les transports, se faisaient à bras, ce qui était pénible et fatigant ; mais le plus gros inconvénient consistait certainement dans la difficulté de la production de l’hydrogène en campagne, et du gonflement du ballon. Pour procéder à cette opération, il fallait passer plusieurs jours à construire un fourneau en briques, et d’autres journées à faire l’opération chimique proprement dite. C’était au bas mot une grande semaine d’immobilisation pour chaque gonflement. Aussi l’opération était-elle renouvelée le plus rarement possible ; on était par suite condamné à transporter le ballon gonflé avec les moyens rudimentaires dont on disposait. Les aérostiers militaires étaient surmenés, et, malgré toute leur bonne volonté, le ballon ralentissait la marche des troupes. Un homme comme Bonaparte qui aimait à la guerre les mouvemens rapides ne pouvait pas s’accommoder d’un semblable matériel.

Aujourd’hui, il n’en est plus de même ; grâce aux progrès de