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première étape, et d’appareils d’aviation pour l’avenir. Il s’aperçut bien vile qu’il faisait fausse route, et qu’en continuant il acquerrait la réputation d’un rêveur dont les idées devaient être combattues comme irréalisables. Il changea résolument son fusil d’épaule, et, quoi qu’il pût lui en coûter, se résigna pendant plusieurs années à s’occuper exclusivement de ballons libres et de ballons captifs, dont il renouvela, d’ailleurs, de fond en comble la technique, et dont il soumit la construction et les manœuvres à des règles précises et rationnelles.

Cette période ne fut pas complètement perdue pour le but principal. En étudiant dans tous les détails des engins d’une valeur secondaire, il acquit une compétence toute spéciale dans les constructions aéronautiques, et devint ainsi capable d’entreprendre l’étude d’un dirigeable sans être arrêté à chaque instant par des difficultés techniques. Il avait donné sa mesure comme inventeur et ingénieur, et vers 1879, il put sans crainte du ridicule, parler de nouveau d’aérostats dirigeables. Néanmoins, la crainte d’un échec et la routine administrative auraient sans doute pendant longtemps paralysé ses efforts, s’il n’avait rencontré un appui tout à fait inattendu en la personne de Gambetta, alors président de la Commission du budget. C’est grâce au tribun qu’un crédit fut volé et mis à la disposition du jeune officier pour construire le premier dirigeable digne de ce nom. Quelques années plus tard, en 1884 et 1885, le dirigeable la France exécutait plusieurs voyages avec retour au point de départ par ses propres moyens, fait qui, jusqu’alors, était sans précédent et passait de plus pour irréalisable.

Ces expériences eurent un grand retentissement, et dès lors, parmi les spécialistes et le grand public, on cessa de traiter d’utopie la direction des aérostats. Des esprits sages considérèrent désormais le problème non plus comme insoluble, mais comme ayant reçu une première solution susceptible de perfectionnemens dans l’avenir.

Ces perfectionnemens se firent attendre. Le dirigeable de 1884 avait une vitesse insuffisante, et ne pouvait rester en l’air qu’une heure et demie ou deux heures ; il lui était donc impossible de rendre aux armées des services réels. Il fallait perfectionner ce premier appareil, et à cette époque, il y avait pour résoudre ce problème technique une question qui dominait toutes les autres, celle du moteur à la fois puissant et léger.