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aéroplanes en Champagne, quand la mort d’un des pionniers de l’aviation, le capitaine Ferber, vint jeter sur nos têtes un voile de deuil. Quelques jours après, ce n’était plus un accident isolé, mais une véritable catastrophe, la perte du dirigeable République et de son équipage, qui venait nous frapper. La foi dans la conquête de l’air fut peut-être ébranlée dans certains esprits, et notre confiance en nous-mêmes, si complète le mois précédent, se trouvait diminuée. C’est dans cet état dame que nous apprîmes sans nous y attendre les projets de nos voisins d’outre-Rhin ; ils mobilisaient une véritable flotte aérienne, au moyen de laquelle ils allaient exécuter des manœuvres de plusieurs jours. Ces manœuvres eurent lieu ; malgré des accidens et des accrocs inévitables, elles furent satisfaisantes dans leur ensemble ; l’Allemagne en triompha bruyamment, suivant son habitude.

En France, on fut presque atterré. Les journaux parlèrent avec éloges des manœuvres allemandes, et notre infériorité fut soulignée d’une façon peut-être exagérée. Il était malheureusement vrai qu’à l’automne de 1909, nous aurions été incapables de mettre en ligne autant de dirigeables que les Allemands, et d’exécuter les manœuvres auxquelles s’était livrée leur flotte aérienne.

L’opinion publique s’en émut, et légitimement. Un aéronaute français, M. Capazza, qui avait assisté aux évolutions des dirigeables allemands, se fit le porte-paroles de l’inquiétude générale. Peut-être apporta-t-il dans cette campagne un peu d’exagération méridionale. On ne saurait méconnaître néanmoins qu’il rendit alors un véritable service dont tous les patriotes doivent lui être reconnaissans ; il contribua à secouer la torpeur de l’opinion publique, et il en résulta un mouvement, confus d’abord, mais dont les conséquences auront été certainement heureuses.

La presse ne fut pas seule à se mettre en branle. Los sociétés aéronautiques s’émurent de la situation et cherchèrent à y remédier ; des démarches furent faites près des pouvoirs publics : dans les deux Chambres, des groupes se formèrent pour favoriser la navigation aérienne. Dans ces groupes, des sénateurs et des députés, appartenant à toutes les nuances de l’opinion politique, se rencontrèrent et cherchèrent ensemble de bonne foi le moyen de sortir avantageusement de la crise actuelle. Des interpellations eurent lieu, le gouvernement promit de s’occuper de la question,