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les hangars nécessaires pour les abriter, les approvisionnemens de toute nature qu’ils exigent, les frais d’entretien, ceux du personnel affecté à leur manœuvre, c’est une dépense d’au moins un million qu’il faut prévoir pour chaque unité. Un aéroplane, au contraire, coûte environ 250 000 francs ; on l’abrite dans un hangar de dimensions restreintes ; quelques hommes suffisent pour sa manœuvre et son entretien. C’est évidemment très séduisant ; ce le serait même tellement qu’il faudrait renoncer aux dirigeables si les aéroplanes possédaient actuellement les qualités militaires requises. Malheureusement, ils ne les ont pas encore, et leur infériorité durera jusqu’à une époque indéterminée. Il faut donc, quoi qu’il en coûte, se résigner à construire des dirigeables de guerre et à faire tous les sacrifices nécessaires, soit au point de vue financier, soit au point de vue personnel, pour assurer leur fonctionnement régulier. Il faut même en construire un nombre fort respectable, une vingtaine au moins ; c’est donc une dépense de vingt et quelques millions qu’on doit affecter à cet objet.

Si on avait commencé il y a deux ans, à une époque où, je le répète, on pouvait être fixé sur le but à atteindre et sur les moyens d’y arriver, nous aurions actuellement une flotte aérienne incomparable. Le rôle naturel du ministère de la Guerre était de diriger l’opinion, il a au contraire suivi lentement son impulsion. Tant qu’elle ne s’est pas émue de notre infériorité militaire aérienne, tant qu’elle s’est contentée de suivre avec intérêt les progrès des aéroplanes, il est resté inerte, et les sommes inscrites au budget pour l’aéronautique militaire étaient toujours les mêmes qu’il y a dix ou vingt ans. Sous la poussée de l’opinion publique, le Parlement s’est enfin décidé à intervenir, et il a forcé le ministère de la Guerre à sortir de sa trop longue inaction.

On se rappelle encore la vigoureuse interpellation faite au Sénat à la fin du mois de mars 1910 par le docteur Reymond. Elle paraît avoir abouti à un résultat effectif et, d’après ce que j’ai pu savoir officieusement, le ministère de la Guerre s’occupe activement aujourd’hui de l’organisation de notre flotte aérienne. Des commandes de dirigeables sont en cours d’exécution et des sommes importantes vont être affectées à ce service. Mieux vaut tard que jamais.