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l’auteur de cette adorable Sainte Suzanne conservée à l’église de Notre-Dame de Lorette à Rome et que Burckhardt tenait pour la plus belle statue du XVIIe siècle. Nos maîtres restaient donc dignes de ce grand XVe siècle flamand qui avait imposé le mot flämisch comme synonyme d’élégance et de bon ton. Les portraits de van Dyck ne le proclament-ils pas dans toutes les galeries du monde ? Ils le redisent avec la même éloquence au Palais du Cinquantenaire. Les organisateurs de l’exposition en ont pu faire venir une bonne trentaine d’Angleterre, d’Italie, d’Allemagne, de Russie, et qui illustrent tout au long la carrière du maître.

Tout de suite, un point d’interrogation se pose devant le Portrait de vieillard envoyé par M. Kleinberger et signé A. D. fecit ætatlis 14. Sans doute van Dyck fut un incomparable virtuose dès ses débuts. Sans doute cet enfant prodige, ce Mozart de la peinture, a dû peindre de beaux portraits dès l’adolescence. Mais à quatorze ans, un tel raffinement de coloris (ces nuances bleues dans les cheveux d’argent ! ) une telle habileté dans le modelé (ces rides, ces creux si bien marqués dans les chairs vigoureuses du vieillard ! ), c’est presque invraisemblable. Nous voulons bien que le portrait soit de van Dyck, mais admettre l’authenticité de cette inscription est chose plus malaisée. Le Portrait de femme du musée de Dresde (épouse supposée de Jean Woverius), la Vieille Dame du musée de Lille, le Vieillard rudement, mais brillamment peint, de la collection della Faille, sont bien d’un débutant, riche de dons, découvrant d’instinct des attitudes, traduisant sans hésiter les expressions, mais se contentant d’une exécution sommaire, ou se fiant à sa miraculeuse facilité. Le portrait de la comtesse de Kenelmaccy (collection de lord Denbigh) date sans doute du premier séjour de van Dyck en Angleterre (1620-1621) et n’apporte aucune surprise. Rentré à Anvers, le maître accomplit un pas énorme, s’il est vrai que le Couple du musée de Budapest, d’un sentiment beaucoup plus réfléchi que les premières œuvres et d’une facture à la fois plus aisée et plus sûre, est bien antérieur à la période italienne comme le prétend la critique allemande et comme nous penchons à le croire. A peine sa carrière est-elle commencée que l’artiste tout de suite atteint les sommets. Il est en effet probable que le brillant Groupe de famille (Snyders, sa femme et leur enfant ? ) envoyé par l’Ermitage fut peint entre