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méditerranéen : la maison de Pasion, au début du IVe siècle, sera la première de la Grèce.


III

Nous avons dit à quel point la plupart des grandes fortunes de l’Attique reposaient encore, en 480, sur la propriété foncière. Comme en outre c’étaient les propriétaires les plus riches et les plus hardis qui avaient, en général, fait la plus large part aux nouvelles cultures, la destruction des oliviers les atteignit avant tous. Certains incidens nous font deviner quelles catastrophes particulières ont été cachées par la gloire nationale. Voici ce qui se passait au camp athénien ù, la veille de la bataille de Platées (479), quelques jours avant l’action décisive.

« Toute la Grèce était dans l’attente, et le sort d’Athènes, en particulier, allait se décider, lorsque des hommes appartenant aux familles les plus connues et les plus riches de la ville, ruinés par la guerre et voyant, avec leur fortune, leur pouvoir et leur crédit leur échapper pour passer en d’autres mains, se réunirent dans une maison de Platées et s’entendirent pour renverser la Constitution, ou, si le coup manquait, pour mettre le trouble partout et passer aux Barbares. Cela se tramait dans le camp, et beaucoup d’hommes étaient déjà affiliés à la conjuration, lorsqu’Aristide (qui commandait en chef) fut averti : très inquiet, il pensa qu’il ne pouvait ni fermer les yeux, ni tout révéler, car il ne savait pas combien de gens seraient compromis, si on laissait libre cours à la justice. Il ne fit arrêter que 8 hommes : encore deux d’entre eux, sur qui pesaient les plus lourdes charges, Eschine de Lamptres et Agésias d’Acharnés, purent-ils s’échapper. Aristide relâcha les autres, pour rassurer ceux de leurs complices qui croyaient n’être pas encore découverts, et leur donner le temps de se repentir. « Le « champ de bataille, déclara-t-il, sera un grand tribunal où ils « pourront se laver de toutes les accusations, et prouver leur « loyalisme. »

On ne s’étonne pas qu’après avoir vu de près de tels désespoirs, Aristide, aussitôt après la victoire, ait fait voter des mesures permettant aux familles déchues économiquement de garder dans la cité l’autorité politique que la plupart d’entre elles avaient justifiée d’une manière si éclatante à l’heure du