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richesses par ce moyen : à sa mort (410), il avait une fortune de 30 000 drachmes, plus 42 000 autres placées sur des vaisseaux. Dès le temps de Solon, le commerce lointain était considéré avec honneur dans une société encore très aristocratique : nul doute qu’au Ve siècle un homme comme ce Diodote n’occupât socialement une place correspondant à son opulence.

Il n’en était pas tout à fait de même pour l’industrie, et cela tient à ce que la grande industrie ne commença guère à se développer qu’au temps de Périclès. Jusque-là, les industriels n’étaient que des artisans, et l’ascension de leurs familles assez lente : le fils de Sophillos, il est vrai, a été reçu de plain-pied parmi les grands, — mais il s’appelait Sophocle. En revanche, Cléon, le corroyeur, eut encore, vers 440, à souffrir certaines rebuffades, qui, dit-on, le jetèrent dans la carrière démagogique. Ce n’est qu’au IVe siècle qu’on a cessé de s’étonner de voir un fabricant, comme Démosthène, à la tête de la cité.

L’esprit des deux premières classes a été profondément altéré par l’afflux de ces élémens nouveaux. Ils ont préparé en deux générations le riche de fraîche date, s’offrant le gouvernement comme couronnement de son opulence récente, et bien plus souple à la démocratie. Nicias en était le type vers 431. La crainte des chantages, à en croire les poètes comiques, fut toujours le mobile principal de ce successeur de Périclès. Sa richesse, dit joliment Plutarque, était un revenu assuré pour les drôles. Il finit par ne plus sortir, de crainte des mauvaises rencontres : il ne soupait avec aucun de ses concitoyens, il fuyait toutes les conversations. Lorsqu’il était archonte, il restait au palais jusqu’à la nuit : il arrivait le premier au Conseil, et n’en sortait que le dernier. Mais, n’avait-il rien à faire pour la République, il se renfermait dans sa maison. Il avait alors des amis placés à sa porte, exprès pour dire qu’il se tuait au service de l’État : un certain Hiéron était tout spécialement dressé à cet office. Nicias mérita ainsi la bienveillance fidèle de la masse, et fut réélu indéfiniment à des fonctions qu’il était incapable d’exercer.


IV

Le zeugite avait traversé, lui aussi, une dure période au lendemain de l’invasion, et Cimon gagna une grande popularité