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ce fût de l’œuvre radicale ? Non, et les républicains progressistes, sans parler des conservateurs de droite, ne s’y sont pas trompés un seul moment ; mais il a prononcé les mots d’apaisement, de détente, de justice pour tous, et ces mots étaient si nouveaux, ils correspondaient à des idées si méconnues, à des principes si oubliés par les ministères précédons que leur effet sur l’opinion a été immédiat et profond. On n’a rien demandé de plus à M. Briand : on s’est seulement repris à respirer. Les hommes politiques du centre et même de la droite ont un sens pratique assez délié pour s’être rendu compte de ce qui était actuellement possible et de ce qui ne l’était pas. Ils n’ont pas espéré un seul instant que M. Briand abandonnerait une partie de son programme pour exécuter une partie du leur et ils restent séparés de lui sur beaucoup de points importans. Mais il y avait une telle tension dans tous les ressorts de la machine politique, et les droits des particuliers, lorsqu’ils, n’appartenaient pas à la majorité gouvernante, étaient si odieusement traités, que le langage de M. le président du Conseil a causé une impression de soulagement.

Ce langage, nous constatons avec plaisir que M. Barthou l’a tenu lui aussi lorsque, après avoir parlé des triomphes électoraux successifs qui ont définitivement consacré chez nous la République, il a ajouté : « Aussi, les mots de « parti républicain » ont-ils cessé d’avoir leur sens et leur raison d’être. Quand un « parti » assume depuis quarante ans la responsabilité des destinées intérieures et extérieures d’un grand pays, il doit avoir la noble préoccupation d’écarter, même dans les termes, tout ce qui pourrait laisser entendre qu’il n’a pas le souci exclusif de la nation elle-même, de ses intérêts généraux vitaux et permanens. » Le souci exclusif de la nation elle-même, indépendamment des partis, même du parti qui se dit plus spécialement républicain, c’est là tout un programme de gouvernement, et si c’est celui du ministère actuel, si, après l’avoir énoncé, il y reste fidèle et l’applique, il aura purifié la République et mérité la sympathie de ceux mêmes qui ne pourront peut-être pas lui donner indéfiniment leur concours. Y restera-t-il fidèle et rappliquera-t-il ? Oui, si on en croit M. Millerand qui a été plus net encore et plus affirmatif que M. Barthou. « Dans le calme des vacances, a-t-il dit à Grenoble, des voix isolées se sont fait entendre pour se plaindre que l’on ne se batte pas assez. Plus que jamais, le gouvernement est décidé à rester fidèle à sa devise, à sa méthode, à son programme, qui ont reçu l’approbation du Parlement et du pays. Nous ne disons pas que s’il est désirable de maintenir la paix entre les nations, il le soit moins de la maintenir entre