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c’est développer les facultés contraires : l’amour des faits et l’amour de l’étude méthodique du fait. Je dis : fût-ce avec un léger excès. N’ayez peur, il y aura toujours du déchet. « En morale, a dit Joubert, pour atteindre le milieu, il faut aspirer au faîte. » En tout ce qui coûte de l’effort, il faut faire ainsi. Visez à faire des professeurs français des philologues pour obtenir qu’ils soient des demi-philologues.

On nous crie : « C’est au moment où, en Allemagne, les universités s’efforcent aux idées générales, et à la composition lumineuse et à l’ordonnance artistique et à la belle présentation des idées, que vous aspirez aux délices de la philologie sèche dont elles se dégagent et s’affranchissent ! » Si les Allemands font ainsi, ils ont raison ; ils combattent les défauts qu’ils sentent qu’ils ont et qu’ils sentent qui leur sont naturels. Nous ferons exactement comme eux en faisant l’inverse. Nos défauts sont contraires aux leurs ; donc la réforme dont ils nous donnent l’exemple consistera pour nous à prendre un peu de ce qu’ils abandonnent et à abandonner un peu de ce qu’ils prennent. Eux et nous, nous aurons beau faire, le caractère ethnique est toujours là ; ils seront toujours plus philologues que nous, et nous serons toujours plus rhétoriciens qu’eux.

La philologie et la méthodologie de la Sorbonne ne sont pas un danger national.


EMILE FAGUET.