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des soldats français. Sa consolation est d’admirer leurs exploits et de les voir conduits par de si dignes chefs. Nul n’est plus fier de leurs victoires, nul ne se réjouit plus de la gloire de leur général que celui qui croit toujours pouvoir se dire son ancien camarade et ami. »


IV

Entre temps, le prince avait trouvé dans les archives de la maison de Condé des pièces manuscrites relatives à un sujet que la Société de l’histoire de France venait de traiter : le journal de la dépense du roi Jean pendant la dernière année de sa captivité en Angleterre. Il mit une sorte de coquetterie à publier lui-même ces pièces dans une édition de luxe, en les accompagnant d’un commentaire, et à prendre ainsi sa place parmi les bibliophiles et les érudits. Comment les princes de Condé étaient-ils entrés en possession des papiers de Denys de Collors, chapelain et comptable du roi Jean ? Les avaient-ils achetés ou reçus en héritage ? La question était difficile à résoudre. Mais leurs archives n’en contenaient pas moins le compte de la dépense de l’hôtel du roi de France fait en Angleterre depuis le 25 décembre 1358 jusqu’au 1er juillet 1359, des lettres du roi datées de Calais en 1360 pour approuver et ratifier les comptes rendus par Denys de Collors, l’inventaire de plusieurs objets appartenant à la reine Jeanne de Boulogne, l’état de la vaisselle d’argent du roi à son retour d’Angleterre, la décharge donnée par Charles V à Denys de Collors des bijoux à lui confiés par son père.

Elargissant la question de pure érudition, le Duc d’Aumale saisit l’occasion d’écrire à ce propos un court chapitre de l’histoire de France et de l’histoire d’Angleterre. Il prend le roi Jean à la bataille de Poitiers et le conduit à Bordeaux où sont emmenés les prisonniers de marque faits par les Anglais. Les vainqueurs traitent le vaincu avec une extrême courtoisie. Deux particularités sont à noter en cette circonstance : la bonne grâce d’Edouard III et l’attachement que témoignent à leur prince prisonnier ses sujets de France. La lutte se prolongeant sur le territoire français, même après la défaite de l’armée royale, le roi d’Angleterre, sans se départir de ses bons procédés, jugea prudent de transporter son adversaire hors de France et le fit venir à Londres où il l’installa dans le Stand à l’hôtel de