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beaucoup à ce moment, c’est-à-dire pour la dimension, pour le ton ou même pour le choix du sujet, des épigrammes antiques. Peut-être Brizeux comptait-il qu’Alfred de Vigny les jugerait dignes d’aller à l’impression, car il avait pris la précaution, modeste ou fière, de lui dire : « Si ces vers sortaient de vos mains, qu’ils n’aient, je vous prie, d’autre signature que celle de mon livre[1]. » Les deux dizains ne furent pas divulgués par Vigny, mais ils n’ont pas été perdus. Brizeux les a repris et enchâssés dans des pièces plus développées. On les retrouvera dans La Fleur d’or, au tome deuxième de l’édition Michel Lévy, en cherchant ces deux hémistiches : « Je t’ai promis des vers, » page 56, et « Je fus tout ébloui, » page 90. Mais, dans la première « chanson, » au lieu de


Je t’ai promis des vers, brune enfant de Florence,


Brizeux avait écrit d’abord :


Je t’ai promis des vers, mon amour, ô Florence.


Le symbole, on en conviendra, était autrement beau, le sentiment autrement noble. Ce sentiment d’exaltation purement artistique était celui qui remplissait toute la lettre à Vigny.

En l’achevant, Brizeux exprimait ardemment le souhait d’avoir une réponse : elle lui parviendrait, assurait-il, si seulement on en hâtait l’envoi, dans quinze ou vingt jours, à Milan : « Je n’ose rien attendre d’aucun autre, moi-même n’ayant écrit à personne, quoique bien souvent j’aie pensé à tous mes amis. Si j’ose le dire, je n’en ai pas de plus cher que vous. »

D’après les calculs de l’abbé Lecigne renseigné seulement par une indication, assez vague, de Sainte-Beuve dans une lettre à Victor Pavie, Brizeux n’aurait fait, en rentrant d’Italie, que passer à Paris et dans les derniers jours d’août. Il faut, tout au moins, avancer, et de plusieurs semaines, la date de ce passage. Cette date est donnée avec précision par une lettre inédite que Brizeux, le 23 juillet 1832, de sa chambre de malade où il était retenu, adressait à Vigny :

  1. Par ces mots « mon livre, » il désigne Marie, qui restera anonyme jusqu’à la troisième édition, celle de 1840, du libraire Masgana, la première où paraisse Je nom d’Auguste Brizeux.