Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que j’aime à être démenti. Je voudrais l’être par tout le monde d’une aussi noble manière[1]. Je voudrais que Stello eût toujours tort d’avoir signalé l’abandon où furent laissés les poètes. La cause sera victorieusement plaidée quand on agira comme vous et jamais avocat n’aura été aussi ravi que moi d’être vaincu.

Croyez-moi bien tout à vous, monsieur et cher confrère, avec les sentimens les plus dévoués.

A. DE V.


Les deux lettres écrites à Brizeux par Alfred de Vigny à cette occasion ne le trouvèrent qu’après quelque retard : il « courait alors les campagnes. » La lettre de remerciemens du nouveau chevalier au ministre parvint seule à Paris. Vigny ne reçut rien : par un hasard malencontreux, les actions de grâces de Brizeux ne parvinrent pas à leur adresse. C’est trois mois plus tard, à la date du 12 août, en exprimant à Vigny sa reconnaissance à propos d’un autre bon office, que le solitaire de Scaër se montre tout confus d’avoir appris qu’on fût en droit de s’étonner de son silence. Je ne reproduis pas ses longues explications ; je ne retiens de cette lettre inédite que le passage relatif au service nouveau :


Ainsi, mon cher ami, à peine aviez-vous reçu ma lettre que vous faisiez une démarche et à peine aviez-vous une réponse rassurante que je l’apprenais de vous ! En vérité, vous êtes un bien bon cœur ; et c’est du fond du mien que je vous remercie. Mais, en cette affaire, ce n’est pas seulement pour moi que je suis heureux ; il m’est doux d’avoir une nouvelle preuve de cette considération qui vous entoure et qui fait que votre seule présence a tant de pouvoir.

Elle seule, mon ami, vous a porté à l’Académie et vous y ménage, après les clameurs des haines particulières[2], cette sympathie générale qui maintenant vous accueille. Vous avez là une place libre et à part ; elle vous convient ; et par-là encore aura plus d’autorité tout ce que vous y pourrez dire dans votre dévouement pour les lettres…


La démarche d’Alfred de Vigny, dont il est question au début du passage cité, paraît bien avoir trait au renouvellement de la pension que Brizeux, grâce à lui, avait obtenue, en 1843, sur les fonds du ministère de l’Intérieur. Ce n’est plus auprès de Dittmer, mort cette année même, c’est auprès de Cave, l’autre auteur masqué des Soirées de Neuilly, que Vigny intervient.

  1. Il écrit cela un peu plus de trois mois après le discours de Molé.
  2. Brizeux n’a pas toujours la main légère.