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près suffisante de la langue et des usages locaux, leurs parentés d’occasion avec des familles indigènes semblaient assurer la réussite d’un essai qui n’était pas sans précédent. Attirés par cet exemple, quelques émigrans métropolitains se répandirent dans l’Emyrne et le pays betsiléo ; mais, pour les mêmes causes générales que dans la zone maritime, et, de plus, pour des motifs particuliers dépendant de la nature de ces régions, la colonisation agricole des hauts plateaux ne tarda pas à se présenter comme un problème plus difficile à résoudre qu’on ne le supposait.

Ce climat tempéré par l’altitude, dont on vantait les qualités bienfaisantes, fut et restera l’origine de nombreux déboires. Trop chaud pour les cultures de France, trop froid pour les cultures tropicales, il limite les efforts des agriculteurs à des productions peu rémunératrices. La sécheresse qui dure d’avril à décembre, à peine interrompue par les « pluies des mangues » et les « pluies des lilas, » s’oppose aux plantations en usage sous les mêmes latitudes où l’humidité ambiante favorise la végétation ; de décembre à mars, les orages torrentiels, assez violens pour faire déborder les cours d’eau, pour ébouler des versans de vallons, balaient la terre végétale sur les pentes douces des plateaux et n’y laissent pousser qu’une herbe dure, à peine suffisante pour la nourriture des bestiaux. Les vallées parfois très vastes, où s’amasse l’humus, seraient des terrains de culture excellens, mais la mise en valeur par des colons exploitant eux-mêmes leurs terres est une utopie. Quelle que soit la saison, le travail manuel en plein air est impossible pour des Européens, de neuf heures du matin à quatre heures du soir ; quoique la température indiquée par le thermomètre ne soit jamais très élevée, les rayons solaires ont une force insupportable sous l’influence combinée de l’altitude et de la latitude. Le paysan le plus endurci, fût-il originaire des plaines ensoleillées de la Crau ou des coteaux brûlans de la Gascogne, ne saurait sans danger mortel d’insolation ou d’accès pernicieux labourer son champ, faucher ses prés, récolter ses moissons. Les fruits d’Europe viennent mal ; il leur manque la chaleur progressive de nos climats ; les indigènes font dans la culture maraîchère une concurrence victorieuse par la nullité de leurs frais généraux. La culture des céréales n’aurait que de faibles débouchés, et ses bénéfices aléatoires seraient grevés d’énormes frais de transport. La médiocre qualité des prairies naturelles, la