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difficulté d’organiser des pâturages artificiels suffisamment vastes, rendent illusoires les profits d’un élevage sélectionné : la supériorité des produits obtenus par les méthodes rationnelles sur les élémens des troupeaux si nombreux que possèdent Hovas et Sakalaves n’apparaîtrait pas assez grande pour justifier les prétentions des vendeurs.

On a beaucoup préconisé la création de villages d’émigrans dans les solitudes sans fin des hauts plateaux malgaches. Ces villages vivraient de leur vie propre, comme ceux de nos campagnes déshéritées. D’après ce qui vient d’être dit, les avantages d’une émigration vers des régions plus pauvres encore et si éloignées du clocher natal, sont trop faibles pour attirer le cultivateur français. Supposons cependant que ce rêve soit réalisé ; supposons les colons assez endurcis pour supporter, entre 1 300 et 1 800 mètres d’altitude, les rigueurs extrêmes du climat ; supposons enfin qu’ils aient pu fonder des basses-cours, des cultures, des parcs à bestiaux. A quels marchés voisins iront-ils échanger paniers d’œufs, corbeilles de volailles, laines, fils de chanvre ou de soie, sacs de céréales, moutons, veaux et bœufs succulens, chevaux vigoureux et bien dressés ? Quels chemins suivront leurs carrioles rapides, leurs chars lourdement chargés ? Où sont les acheteurs donnant leurs sacs d’écus contre les produits agricoles ? Que feront ces acheteurs des stocks divers qu’ils auront acquis ? Il ne faut pas oublier, quand on élabore des projets colonisateurs au sujet de Madagascar, qu’il n’y a dans l’île qu’un seul centre de population assez important, Tananarive ; que cette ville reçoit à meilleur compte ce qui lui manque par l’importation que par le commerce régional ; que l’indigène est, pour les produits locaux, un fournisseur assez bien approvisionné ; que les routes, à peine accessibles à la traction automobile organisée par le gouvernement qui, seul, peut en supporter les frais considérables, ne permettent pas les gros charrois comme il en circule sur les chemins de France. Toutes ces réflexions, bien mieux que les légendes sur la politique de races qui ont cours là-bas, expliquent les refus des Boers qu’on s’était proposé d’attirer à Madagascar après la guerre sud-africaine.

Si la colonisation agricole par la création de la petite propriété européenne peut être, dans les conditions actuelles, considérée comme une erreur, la colonisation industrielle ne