Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de penser que ses intentions du moins n’ont pas été méconnues. Il a trouvé dans le clergé français, et même parmi ses membres les plus distingués, des défenseurs qui, sans doute, n’approuvaient pas toutes ses audaces, mais qui, jugeant qu’elles ne portaient pas atteinte à la foi dans ce qu’elle a de strict, estimaient qu’il n’y avait pas lieu de décourager son initiative. L’Église, en d’autres temps, en a toléré d’autres ! Mais Rome ayant parlé, tout le monde s’est incliné.

On s’est incliné aussi, et plus naturellement encore, devant les instructions données par le Pape au sujet de la première communion. Nos lecteurs savent en quoi elles consistent : le Pape a ordonné que la première communion, qui se donne aujourd’hui aux enfans de dix à douze ans, suivant leur degré d’instruction, leur soit donnée uniformément à sept. L’affaire du Sillon n’a qu’un intérêt secondaire ; elle ne touche, au total, qu’un certain nombre de personnes ; au contraire, les prescriptions relatives à la première communion touchent tout le monde, clergé et fidèles, qui se demandent quelles en seront les conséquences ; et pourquoi ne pas dire que leurs préoccupations-sont vives ?

Nous laissons, bien entendu, de côté les discussions purement théologiques ; elles ne sont pas de notre compétence ; mais la décision pontificale fait une révolution dans ce qu’il y a de plus résistant au monde, c’est-à-dire dans nos mœurs. On a dit que la première communion s’était faite à d’autres époques à des âges très différens, quelquefois même dans la première enfance. Dans l’Église orthodoxe, c’est-à-dire en Russie et dans une partie de l’Orient, elle se fait à deux ans : mais il s’agit d’une Église schismatique. Et ce n’est pas là qu’il faut chercher des exemples. L’Église catholique a adopté en Occident une autre pratique. Pourquoi ? Parce qu’elle admet que la première communion ne doit être faite que lorsque l’intelligence de l’enfant est assez éclairée pour qu’il comprenne l’acte qu’il accomplit. C’est ainsi qu’on l’entend en France depuis un temps déjà très long. Évidemment, ceux qui abaissent l’âge de la première communion ont une conception différente. Ils croient que le sacrement opère par lui-même, indépendamment des dispositions, sinon morales, au moins intelligentes, qu’on y apporte. Nous ne les suivrons pas sur ce terrain, qui n’est pas le nôtre, et où nous perdrions pied : c’est surtout au point de vue de l’instruction religieuse de l’enfant que nous nous plaçons. Il est possible que, dans d’autres pays, cette instruction se poursuive après la première communion, mais il est certain que, dans le nôtre, elle cesse le plus souvent à ce moment même. Pour employer une