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simples rapprochemens d’érudition morte, que nous fournit l’étude du logement, du sacrifice que l’on faisait pour lui, de son rôle dans la satisfaction des besoins intellectuels.

Cela permet de deviner un peu les âmes, car une évolution psychologique a modifié les conditions de la vie sociale tandis que, d’âge en âge, s’accumulaient et se façonnaient si diversement les pierres, la brique, le bois et le fer. Malheureusement, à la distance de plusieurs siècles, les toits de chaume, les plus intéressans de tous puisqu’ils sont les plus nombreux, les millions de toits des inconnus de la glèbe et du pavé, sont ceux que l’on voit le moins. Eux aussi pourtant ont changé, aussi bien que les demeures superbes jadis insoucieuses de l’énorme masse sur quoi portait leur grandeur ; et des trois phases historiques qu’a traversées le logement, — Force, Magnificence, Commodité, — la dernière seule comportait des biens accessibles à tous.


I

De ces biens le principal, au moyen âge, était la sécurité. La Force était le Luxe le plus urgent, puisqu’elle garantissait tous les autres. Entre les riches qui pouvaient s’offrir ce luxe par la possession d’un château fort et les vilains du plat pays qu’abritait un toit sans défense, il y avait alors plus de distance qu’il n’en subsiste présentement entre un Crésus et un indigent, du fait de leurs logis respectifs. Pécuniairement, l’écart était moindre aux temps féodaux entre le donjon et la masure qu’il ne fut aux temps modernes entre un palais princier et une cabane rurale, parce que le superflu des grands avait augmenté plus que le nécessaire des petits.

Dans ces châteaux sauvagement dressés sur quelque éperon de falaise, au sommet de roches escarpées par la nature et le ciseau, la place réservée à l’habitation était fort restreinte ; seules les murailles en prenaient à leur aise, leur largeur égalait parfois celle de l’espace libre qu’elles encerclaient, de sorte que le diamètre extérieur d’une tour était double de celui du vide intérieur. Joignez à cela les voûtes des étages, les paremens des fossés et parfois une « chemise » de trois ou quatre mètres d’épaisseur, qui revêt et protège le pied des constructions, il est clair que la maçonnerie absorbe la plus grosse part du devis.