Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/527

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’autre ronde ; la chapelle, au dehors, demeure indivise avec une cloche particulière pour chacun. En Lorraine, le manoir féodal se partage souvent en hauteur, par étages, ou en largeur, par le mur de refend de la grand’salle ; tel héritier jouit de la moitié ou d’un quart.

Une simple tour, comme celle de Tulle au XIIIe siècle, était possédée conjointement par plusieurs maîtres, laïques et clercs, qui négociaient librement les parcelles dont ils étaient détenteurs avec les droits y attachés. Les droits cédés par l’un d’eux représentent un capital de 150 000 francs. Ce n’est plus de loyers qu’il s’agit alors, mais de rentes foncières. Au contraire, le « droit de retraite » à l’intérieur des remparts du logis seigneurial est bien, pour les villageois des environs, — pour les « retraihans, » comme on les appelle à Epoisses (Bourgogne), — une sorte de loyer qu’ils paient en contribuant à l’entretien des fortifications : « Mes amis, que faut-il faire pour se sauver ? demandait un évêque à des paysans en les catéchisant. — Monseigneur, il faut se retirer dans le château quand les gens d’armes venont. »

Pour apprécier comment étaient logés ces paysans dans leurs propres chaumières, on n’a point la ressource d’en mesurer les ruines, ainsi qu’on le peut faire pour les châtelains. Ces cabanes rustiques n’ont pas laissé de traces. Leurs prix de vente ou de location, relevés dans une trentaine de nos départemens actuels, à Bruyères dans l’Aisne, dans l’Orne, à Almenèches, dans le Nord, à Wambrechies, dans la Dordogne, à Saint-Pardoux, à Beaucaire dans le Gard, à Clavy dans les Ardennes, dans le Cher, l’Eure, Seine-et-Oise, etc., etc., montrent ces loyers oscillant entre un maximum de HO francs et un minimum de 15 francs, et ressortant en moyenne à une quarantaine de francs par an. Ces chiffrés, rapprochés du coût des matériaux aux mêmes époques, font augurer que ces maisonnettes étaient fort peu de chose ; l’abondance du bois que chacun avait presque pour rien, grâce aux droits d’usage, et les prétentions très humbles des habitans expliquent ce bon marché des constructions rurales.

Beaucoup de gentilhommières étaient elles-mêmes des plus médiocres ; on se tromperait fort si l’on imaginait la généralité des nobles au moyen âge en possession d’un château véritable. Le prix de ces châteaux, qui varie de 400 000 francs à 15 000, et