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six mois 2 700 francs. Ce dernier, ou son fils traité sous François Ier de « Messire » Passello de Merculiano, est un artiste. Il partage avec son compatriote Jérôme de Naples un budget annuel de 9 400 francs pour le « grand jardin de Blois » (1531), dont il est seul chargé l’année suivante ; traitement assez mince, puisqu’il devait subvenir là-dessus aux frais d’entretien.

Même système à Fontainebleau, où Quentin l’Africain touchait 3 200 francs par an pour « l’Enclos de l’Étang » (1541), et aux Tuileries dont Bernard de Caruesse avait l’entreprise (1570) pour 3600 francs, sous titre d’« intendant des plants. » Lorsque le travail laissait à désirer, ces jardiniers-ingénieurs étaient pécuniairement responsables : sous Louis XIV, à Saint-Germain, François Francini avait pour 4 150 francs le soin des fontaines et des grottes ; mais, « vu le dépérissement de la plupart d’entre elles, » dit-on en 1679, il ne recevra que 2 770 francs. Pour les mêmes causes, il n’est payé que 1 550 fr., au lieu de 2 100 francs, à la veuve Bellin, chargée du potager de ce château. Ainsi exécutée à la tâche, dans le détail, la besogne était hiérarchisée au XVIIe siècle sous la haute direction de Lenôtre et de La Quintinie, appointés chacun à 14 000 francs.

La France alors dépassait tellement les étrangers qui l’avaient initiée à cet art, elle nationalisait si bien le jardin par des dynasties de maîtres, héréditaires dans leur profession, — depuis celle des Mollet qui débutèrent à Anet, jusqu’à celle des Richard qui finirent à Trianon, — que l’Italie à son tour rendait hommage à notre suprématie. Durant la guerre de la Succession d’Espagne, la coalition antifrançaise dont il fait partie n’empêche pas le duc de Savoie de rétribuer largement des Français en Piémont pour être surintendans et gouverneurs des parcs, jeux d’eaux et jardins de ses résidences de Turin, Mirafiori ou Veneria.

Chez les bourgeois, le jardinier était un ouvrier à la journée, employé à la taille des arbres, à l’ébourgeonnement ou autres tâches, moyennant un prix variable, depuis 3 francs 60 pour le patron en été jusqu’à 1 franc 50 pour les « garçons » en hiver. A ceux-ci sans doute le travail manquait souvent, puisque les mêmes jardiniers, lorsqu’ils étaient à l’année, se contentaient encore de 180 à 220 francs de gages dans les derniers temps de l’ancien régime. Applicables à des capacités ordinaires, ces émolumens étaient dépassés par les véritables horticulteurs ; mais ils expliquent comment, pour 1 000 à 1 500 francs par an,