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Le Pape se rassérénait pour redire que les persécutions fortifiaient l’Église, qu’elles la purifiaient, et qu’elles la revêtaient d’une beauté nouvelle ; et ses imprécations de prophète s’atténuaient et s’achevaient en un mystique Alléluia.

Pie IX, trois mois plus tard, expliqua que le colosse dont il avait prévu la chute n’était pas l’Empire allemand, mais l’ « orgueilleux pseudo-libéralisme » qui gouvernait cet Empire. Beaucoup de publicistes, tant à Berlin qu’en Europe, avaient autrement compris : excités au soupçon par la polémique des vieux-catholiques, ils avaient conclu que c’était sur Bismarck, sur l’Empereur, sur l’Empire, que Rome faisait peser ses fatales menaces. Il fut acquis, dès lors, — même après la rectification papale, — que les fidèles de Pie IX souhaitaient avec lui l’écroulement du colosse germanique, et que leur attachement même au Pape infaillible faisait deux de mauvais patriotes.

Les caricatures déployaient sous les yeux de l’Allemagne, rieuse à demi, anxieuse à demi, une sorte de chasse sauvage, conduite au grand galop par le petit Windthorst : monté sur un âne, coi lié d’un chapeau de prêtre, il était suivi d’une armée de curés, de « Jésuites, » disait-on, sur laquelle planait l’étendard de saint Kosmian, » c’est-à-dire l’étendard d’un conspirateur polonais. « Dehors ces Tartuffes aux pattes de chat veloutées, ces sauterelles à chapeau claque, ces sangliers, ces mites ! Dehors ces filous, dehors ces canailles couvertes de sang et de rapines ! Vite du borax, du phosphore et de l’arsenic contre cette vermine ! » Des journaux assez lus charriaient ce torrent d’injures. On possédait enfin le borax et l’arsenic : c’était la loi contre les Jésuites. Vite et sans merci, il la fallait appliquer.

Fermer successivement toutes les résidences des Pères, cela ne suffisait point ; un certain nombre, individuellement, furent frappés d’interdiction de séjour, tracassés parce qu’ils montaient à l’autel, tracassés parce qu’ils confessaient. Un Jésuite qui célébrait sa première messe n’avait même plus le droit d’y laisser assister ses parens ; un autre recevait la défense de demeurer auprès de sa vieille mère. Parfois, dans les courriers qui signifiaient ces brutales mesures, s’attardaient et se fourvoyaient des lettres d’un tout autre ton ; sous le cachet du ministère de la Guerre, elles apportaient à des Jésuites qui s’étaient, en 1870, distingués comme infirmiers ou brancardiers l’hommage de la croix de fer ou quelque autre décoration. La même poste, ainsi,