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sanction juridique à leurs droits historiques et normaux, méconnus, disait-il, par la puissance épiscopale.

Ni les conclusions de Hinschius, qu’on accusait de désarmer la société civile et dont bientôt, d’ailleurs, ce juriste fut le premier à faire abandon, ni les visées de M. Schulte, qui auraient abouti à une organisation démocratique des Églises édifiée sous les auspices de l’État, n’étaient acceptées par M. Friedberg. Plus jeune que ces deux professeurs, mais très connu déjà par les travaux qu’il avait consacrés aux derniers conflits religieux, M. Friedberg avait conçu tout un système de politique ecclésiastique, qui consacrait le règne de l’État sur l’Église.

Au-delà de l’Atlantique, ce canoniste averti voyait prospérer l’Eglise libre, séparée de l’État libre. Ainsi la séparation, là-bas, profitait à l’influence romaine ; il y aurait un plus grand péril encore à la décréter immédiatement pour l’Allemagne, où le catholicisme s’appuyait sur de vieilles racines historiques. M. Friedberg frémissait devant une telle expérience. Le débat entre l’Église et le pouvoir laïque était pour lui une question de puissance (Machtfrage) ; et l’État, au lieu de s’effacer, devait officiellement autoriser l’Eglise et s’installer chez elle en maître.

Tels ces chirurgiens qui, craignant des résolutions trop décisives, posent sur un pauvre corps endolori des appareils provisoires et rêvent encore, rêvent toujours, de la belle opération qui pourrait être tentée et qui, plus tard, peut-être, s’imposera : tel M. Friedberg, désertant un moment la langue juridique pour la langue chirurgicale, se penchait vers le point d’attache entre le membre Eglise et le corps de l’État, et multipliait, en cet endroit douloureux, toutes sortes d’expédiens doucement cruels. De cette façon, pensait-il, la grande opération, c’est-à-dire la séparation, périlleuse parce que prématurée, serait peut-être évitée, peut-être préparée, mais certainement ajournée. Il les faut lire dans le texte, ces métaphores de M. Friedberg, froides comme l’acier du couperet ; il faut, après les avoir lues, refaire un effort pour bien se représenter que la matière vive dont il parle et sur laquelle il travaille n’est autre que l’âme même de plusieurs millions d’Allemands.


Si plus tard le membre Église doit être détaché du corps de l’État, disait-il expressément, nous voulons prendre toutes les dispositions préalables pour que cette opération ait lieu, avec le moins de périls possible et de façon à affaiblir le corps le moins possible. Nous voulons, en attendant,