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Roon, de son côté, étala certains témoignages protestans qui militaient en faveur des projets. On racontait, dans les cercles politiques, une conversation de Guillaume avec l’ancien ministre Bodelschwingh : « Un incendie éclatera, lui disait celui-ci, et détruira tout cet édifice de politique religieuse. — Presque partout on me parle ainsi, répliquait Guillaume. Mais je ne puis pas laisser les prêtres catholiques gouverner. » Guillaume, aussi, voulait décidément que l’État fût armé.

Des symptômes se dessinaient, attestant que les ennemis du christianisme ne considéraient pas ces armes comme suffisantes encore, et que leurs attaques, après avoir prévalu contre l’Eglise catholique de Prusse, viseraient les assises chrétiennes de l’Etat. Virchow au Landtag, Voelk au Reichstag, agitaient derechef la question du mariage civil, et le 23 avril, le Reichstag renvoyait à une commission la proposition de Voelk. Ainsi réapparaissait, sur l’horizon politique, un plan de réformes que Guillaume redoutait et que naguère, au moment de signer les projets de lois ecclésiastiques, il avait fait ajourner. On alléguait, pour légiférer sur l’éducation cléricale, que les prêtres exerçaient certaines fonctions civiles, qu’ils étaient, en quelque mesure, des officiers de l’Etat ; mais pour le lendemain du vote, d’autres projets de loi se préparaient, qui les expulseraient de ces fonctions mêmes. Alors, de quel droit la Prusse prétendrait-elle les élever à sa façon, si elle se proposait, ensuite, de ne plus jamais emprunter leur concours ?

Ainsi raisonnaient certains sages ; mais leur sagesse risquait d’être réputée trahison. Le 1er mai, la Chambre des Seigneurs, sous réserve de quelques amendemens, accepta les projets. Et l’on vit, une fois de plus, que le rôle auquel la dictature vivante des ministres sollicite les Chambres hautes est singulièrement inverse de celui qui leur est assigné par la lettre morte des constitutions. Elles devraient crier : Holà ! on leur laisse le droit de dire : Hélas ! pourvu que cet Hélas ! expire en un amen.

C’est donc la guerre ! murmuraient les âmes pacifiques. Mais oui, c’était la guerre, et déjà voilà qu’elle sévissait, d’un bout à l’autre de la Posnanie, avant même que les lois ne fussent votées, et pour un incident tout local. En réponse à une circulaire de Falk qui avait exigé qu’à partir de Pâques l’enseignement religieux, dans les gymnases posnaniens, fût donné dans la même langue que les autres enseignemens, l’archevêque