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arbitraires et inutiles, sont toujours d’un effet saisissant. Des arcatures aveugles, portées sur des colonnettes, sont multipliées sans nécessité pour dessiner d’élégantes galeries. Des ornemens d’une grande richesse envahissent les portails et les murs. Ici, à la cathédrale de San Donnino, les sculptures sont probablement de l’artiste dont on retrouve le nom au Dôme et au baptistère de Parme : Benedetto Antelaini. Et, aussi bien que pour l’architecture, les influences septentrionales sont certaines sur cette statuaire naissante. On ne peut douter qu’Antelami ait connu les œuvres françaises ; on peut même se demander s’il n’a pas travaillé à Arles, tellement la disposition des reliefs sculptés imite la frise de Saint-Trophime et tellement aussi les deux statues de David et d’Ezéchiel rappellent celles de Saint-Gilles.

Après Borgo San Donnino, on traverse quelques petits bourgs, puis, sur l’interminable lit du Taro, un magnifique et monumental pont d’où la vue est fort imposante sur les croupes sombres des Apennins. La plaine, toujours fertile, étale de chaque côté de la route sa mer de verdure. De loin en loin, émergeant haut au-dessus des vergers et des champs, quelques groupes d’arbres, des pins et des peupliers qui continuent à se plaire, comme au temps d’Horace, à marier leur ombre accueillante :


pinus ingens albaque populus
Umbram hospitatem consociare amant
Ramis


Mais, déjà, se dressent et grandissent à l’horizon les silhouettes des clochers et des campaniles de Parme. Par la Barriera Massimo d’Azeglio, la Via Emilia pénètre au cœur de la ville du Corrège.


III. — PARME

Sur un écrivain qui n’est pas spécialement un critique d’art, nul artiste n’a une prise aussi immédiate et aussi forte qu’Antonio Allegri da Correggio. Je me souviens de l’impression que je ressentis, en entrant pour la première fois, il y a déjà bien longtemps, dans les petites salles du musée de Parme qui lui sont réservées : jamais encore je ne m’étais trouvé en face d’œuvres qui, plus vite et plus intimement, m’eussent communiqué leur chaleur intérieure. Ainsi que de ces grands lyriques