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renommée qui devrait entourer l’un des plus grands sculpteurs de l’Italie. Nulle part, mieux qu’ici, on ne peut apprécier dans toute sa force le génie du maître siennois. Chose curieuse, en effet, Bologne, qui témoigna toujours d’un vif amour pour la sculpture, — et cela ne saurait surprendre étant donné son goût pour le décor, — n’eut jamais de bons statuaires et dut recourir pour l’ornementation de ses monumens et de ses places à des voisins plus habiles. C’est ainsi qu’elle appela, pour travailler dans ses murs, Nicolas de Pise, les Vénitiens Dalle Maxegne et Lanframi, Andréa da Fiesole, le Florentin Tribolo, Alfonso Lombardi de Ferrare, Jean Bologne de Douai, bien d’autres encore.

En construisant San Petronio, Bologne avait le désir d’élever une cathédrale qui devait être la rivale du Dôme de Florence et l’une des plus vastes du monde. Malheureusement, la nef seule fut achevée. On renonça au chœur et au transept, la foi et surtout l’argent ayant manqué. Mais de ce rêve, de cet effort entrepris, il reste une majesté particulière à cette grande église qui jamais ne sera terminée. Pour la façade qu’ils voulaient somptueuse, les Bolonais s’adressèrent à Jacopo della Quercia que la Fonte Gaja venait de rendre célèbre. C’est en 1425, entre le légat du pape Martin V et l’artiste siennois, que fut passé le contrat qui confiait à celui-ci, pour 3 600 florins, la décoration de la porte centrale de San Petronio. De nombreux historiens ont raconté les détails de cette entreprise qui devait durer deux ans et qui, à la mort du sculpteur, en 1438, n’était pas complètement achevée et donnait encore lieu à des contestations. Mais que nous importe cette histoire que Perkins a pu appeler, sans trop d’exagération, la tragedia della porta ? À quoi bon savoir si les retards sont dus à la lenteur naturelle de Jacopo, à sa négligence ou à toute autre cause ? Devant l’œuvre, contentons-nous de regarder.

Les sculptures de ce portail sont presque toutes de la main de Jacopo. Ce sont : sur les pilastres, dix bas-reliefs représentant des scènes de l’Ancien Testament ; à l’architrave, cinq bas-reliefs reproduisant des épisodes de la vie du Christ ; au-dessus de ce linteau, trois statues : la Vierge, saint Ambroise et saint Pétrone portant le modèle de l’église dont il est le patron. Il y a également, sur la face interne des montans et sur l’arc au-dessus de la porte, trente-trois figures de prophètes à