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par défaut de capacités pour les diriger. La statistique des grèves n’est, pas moins instructive : on comptait, en 1905, 2 709 675 grévistes ; ils se réduisaient à 64 000 en 1909. La révolution agraire s’accomplit en sens inverse du collectivisme. Le Mir, l’antique organisation communautaire du sol, se dissout ; les paysans accèdent de plus en plus à la propriété privée. L’effort de l’année terrible a épuisé les partis socialistes. L’affaire Azew a démoralisé les terroristes, précipité la décadence des énergies romantiques d’autrefois. Les émigrés se perdent dans des rivalités de sectes et d’âpres querelles de personnes. La Douma compte, il est vrai, 15 députés socialistes, mais les partis qu’ils représentent sont divisés en intransigeans et en opportunistes ; les uns exigent que ces députés démissionnent, les autres qu’ils restent isolés et qu’ils se servent de la tribune de la Douma, aussi libre que celle du Reichstag, pour faire une propagande ouverte, qui seconde la propagande souterraine ; d’autres enfin voudraient qu’ils s’allient aux Cadets démocrates. En réalité, les révolutionnaires sont réduits à la plus complète impuissance, et dans une situation analogue à celle des socialistes français, au lendemain de la Commune. Ce n’est peut-être qu’une trêve, mais, aussi longtemps qu’elle durera, l’Internationale verra se dresser devant elle le colosse russe. On conçoit dès lors la fureur épileptique des congressistes de Copenhague, qui prodigueront au Tsar, coupable d’avoir échappé aux coups des terroristes, les noms d’apache et de bourreau.

L’établissement du suffrage universel en Autriche semblait ouvrir au parti socialiste les plus brillantes perspectives. 80 de ses membres, dirigés par un tacticien consommé, le docteur Adler, entraient d’emblée au nouveau Reichsrath. Les prolétaires, d’après la doctrine, n’ayant ni patrie, ni hérédité, ni esprit de race, allaient faire disparaître ces antipathies de nationalités qui déchirent les partis bourgeois, unifier l’Empire autrichien dans le sens démocratique. Et voici que les luttes entre Tchèques et Allemands, entre Italiens irrédentistes et Autrichiens, éclatent dans le parti socialiste, aussi bien que dans les syndicats, et le menacent de scissions.

Le parti socialiste italien est en progrès au Parlement. Après les élections de 1909, ses mandats se sont élevés de 32 à 42. Le plus pur esprit réformiste inspire ses députés. La fraction socialiste à la Chambre vole pour le ministère Luzzatti, qui peut se