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congrès internationaux, le bureau socialiste international ne peuvent assurer partout une action simultanée, identique, car tout dépend de la force des organisations, des circonstances politiques et diplomatiques générales et de la puissance réelle du prolétariat si variable d’un pays à l’autre. Rien ne fait mieux toucher du doigt le péril extrême pour la France de la propagande de M. Vaillant et de M. Hervé. Assez puissantes pour empêcher l’action guerrière à jet continu d’un Napoléon que l’Europe à demi démocratisée ne supporterait plus, les classes ouvrières feraient-elles obstacle à une guerre nationale ? Sans parler des incartades impérialistes, surtout anti-allemandes, de certains socialistes anglais auxquels nous avons fait allusion, les social-démocrates allemands, et Bebel tout le premier, n’ont-ils pas déclaré qu’ils marcheraient avec enthousiasme contre la Russie tsariste ? Le plus ardent patriotisme anime la grande majorité des Allemands. Leur éducation, leur histoire, leur unité si récente, leur orgueil les y conduisent. Les social-démocrates si avisés, si soucieux de s’étendre, se garderaient bien de choquer ce sentiment s’ils ne le partageaient pas. Même en matière d’anti-militarisme, les socialistes ne sont pas d’accord. Adler est un partisan convaincu de l’armée prolétarienne que forme peu à peu le service militaire obligatoire et universel : la force des armes est aussi indispensable, à la Révolution que la puissance des votes. M. Jaurès exprimait une idée analogue au Congrès de Tours, en parlant de la nécessité de maintenir la discipline. Dans l’armée, il ne voudrait changer que les chefs.

Revenons à Bernstein et concluons avec lui que toute tendance à légiférer pour l’avenir, pour toutes les circonstances, est frappée de stérilité ou ne peut conduire qu’à des avorte-meus. Toute résolution qui ne tient pas compte des faits ne peut prétendre à être observée et Bernstein résumait un jour son opinion en disant : Congresse sind Schwindel, les congrès ne sont que charlatanisme. Les temps de l’orthodoxie sont passés : Marx et ses prophètes, les Kautsky, les Guesde, sont vénérés, mais ils ne sont plus écoutés. C’est la faillite de l’orthodoxie marxiste. Le Congrès n’a plus affirmé les grandes questions de principes, bien plus, il a violé lui-même ces principes proclamés par les congrès précédons, en n’écartant plus absolument la grève anarchiste, de même qu’il enregistrera le ministérialisme, quand il sera devenu un fait accompli, généralisé. Le socialisme