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nef, où dix colonnes rondes à base octogonale et à chapiteaux corinthiens s’élancent d’un seul jet jusqu’à hauteur des combles pour recevoir les arceaux des voûtes aujourd’hui détruites, a longtemps abrité une foule bruyante de grainetiers, de voituriers, de colporteurs ; les charlatans vantaient leurs panacées et les colporteurs chantaient leurs complaintes où les ancêtres avaient médité et prié : c’était la halle aux Blés. Sur la place, raccommodeurs, regrattiers et cabaretiers avaient installé leurs échoppes, véritables masures, contre l’église même. Enfin un beau jour, une municipalité intelligente rendit au culte ce bel édifice gothique. Les élégantes et hardies proportions de la nef et du chœur réapparurent, et aussi la sveltesse des fenêtres allongées en fer de lance, et la finesse des baies en ogive qui éclairent le chœur. Le cloître, qui touche à l’église, délivré des marchands, de leurs sacs, de leurs discussions, est de nouveau solitaire, et parfois un rayon de soleil illumine sur un contrefort une peinture à fresque du XVe siècle qui montre Jésus devant la Madeleine.

Sur l’ancienne place des Récollets, le grand bâtiment des arcades, jadis habitation des pasteurs protestans, représente avec ses tourelles pointues, ses arceaux, ses trois étages, et son toit au pignon festonné le XVIIe siècle. Tout près, un autre édifice, la Douane, rappelle une époque plus lointaine. Commencé en 1480, mais continué à diverses reprises, se resserrant d’un côté, s’étendant de l’autre, il servit d’abord à remiser les vins, graines et marchandises sur lesquels Colmar avait le droit de percevoir un impôt ; il fut ensuite l’hôtel de ville pendant tout le XVIIIe siècle jusqu’en 1816, puis il devint un commissariat de roulage, puis le Comptoir d’escompte s’y installa ; aujourd’hui, tout en hospitalisant une collection, il n’est plus qu’une curiosité, mais une curiosité remarquable. Il se compose de deux parties bien différentes d’âge, et qui n’ont aucun rapport entre elles. La plus ancienne offre avec sa balustrade si fine, ses croisées aux multiples meneaux et croisillons à la fois si simples et si ingénieux, ses grandes portes en tiers-point, un précieux exemple de l’architecture allemande à la fin du XVe siècle, c’est-à-dire la toute dernière période du gothique en Alsace. Le conseil se réunissait à l’étage supérieur, dans une magnifique salle dont les colonnes bizarres et d’une taille si patiente ont sans doute été les chefs-d’œuvre