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Les Français doivent saluer tête haute les balles prussiennes. »


La réunion à la France, loin de diminuer l’individualité de Colmar, la compléta encore. Lors de l’attribution de l’Alsace à la France par le traité de Munster, le Roi avait établi à Ensisheim une Chambre royale, remplacée en 1657 par le Conseil souverain d’Alsace, qui eut pour président Charles Colbert, marquis de Croissy, intendant de la nouvelle province. Ce Conseil ne résida à Ensisheim qu’une trentaine d’années : en 1698, il fut transféré solennellement à Colmar. A côté de Strasbourg, demeurée la ville universitaire, militaire et administrative, Louis XIV érigeait Colmar en capitale judiciaire de l’Alsace. Il y a toujours eu dans la bourgeoisie un goût très vif pour la magistrature ; ces fonctions, qui lui confèrent une sorte de noblesse, contentent à la fois sa conscience, sa vanité, son honneur. Les bourgeois de Colmar, formés par des siècles d’autonomie, très fiers, très dignes, très cultivés, habitués à jouir de prérogatives, accueillirent avec une profonde satisfaction la décision royale qui les instituait en quelque façon au-dessus de leurs compatriotes. Dès ce jour, comme si le Roi répondait à un secret et violent désir de la cité, Colmar devint essentiellement une ville de judicature, et les années ne firent que rendre plus sensible ce caractère particulier dont elle s’enorgueillit encore aujourd’hui. Nulle part ailleurs la magistrature n’a porté plus haut le souci de son devoir, et le sentiment de sa grandeur, et dans toute son histoire au cours de ces derniers siècles, Colmar a tendu toutes ses forces et réussi, malgré la guerre, malgré l’annexion, malgré mille difficultés, à rester la ville de justice souveraine.

Ce Conseil suprême comprenait un premier président qui présidait la première Chambre des procès civils, un second président qui présidait la deuxième Chambre dite la Tournelle et uniquement chargée des affaires criminelles, deux conseillers clercs, deux conseillers laïques, choisis parmi les plus notables jurisconsultes du pays, quatre conseillers, chevaliers d’honneur et d’épée, simples magistrats de parade, un procureur général, un avocat général, deux substituts. Sa juridiction embrassait tout ce qui touchait à la justice, aux finances, à la législation et tous les appels des juridictions inférieures ressortissaient à son siège.