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Les questions politiques et administratives se traitaient à huis clos par les Chambres assemblées. Même quand le jeu de quinze sévit avec fureur dans Colmar au XVIIIe siècle, il eut à intervenir et à prendre des réquisitions. Le Conseil jouissait de tous les droits et prérogatives reconnus aux Parlemens de France, et ses membres revêtaient comme les membres du Parlement la robe rouge. Une telle autorité procura tout de suite aux conseillers une remarquable importance, qu’accrurent encore la façon dont ils étaient recrutés et la façon dont ils exerçaient leurs charges. Et d’abord, tous les conseillers, sans exception, étaient indigènes. Ensuite, il n’était pas facile d’être nommé. Pour aspirer à une place de conseiller, il fallait avoir prêté serment d’avocat, avoir fréquenté le barreau pendant deux ans, et compter vingt-cinq ans. Nul ne devait songer à solliciter des lettres de provision sans avoir au préalable obtenu l’assentiment de la compagnie au sein de laquelle il désirait entrer : c’était ce qu’on appelait l’agrément. Le doyen du Conseil menait une enquête extrêmement sévère, persuadé que l’obscurité de la famille rejaillirait infailliblement sur la compagnie et que la présence d’un sujet de basse extraction pourrait détourner les enfans de famille d’entrer dans une compagnie mêlée : un refus élevait une barrière insurmontable. Tout conseiller était, de fait, noble. Enfin, même sous le régime de la vénalité des charges, le choix des premiers présidens était toujours réservé à la couronne. Le Conseil, par la fermeté de ses arrêts qui fixèrent le sens des traités de 1648, contribua puissamment à consolider la conquête ; par ses excellens avis au pouvoir, qui sut apprécier sa sagesse, par l’expédition rapide des affaires, par son intégrité, par son indépendance, il lit aimer le conquérant.

La royauté avait parfaitement saisi tout ce qu’elle pouvait attendre de ces magistrats si, tout en leur laissant une absolue liberté, elle entourait d’honneurs leurs fonctions. Ces conseillers étaient les magistrats de l’Alsace, et non pas des magistrats français en Alsace. On touche là une fois de plus l’intelligente tolérance et l’intelligente confiance par quoi la France s’attache à jamais les cœurs ! L’Alsace, partie intégrante du royaume, conservait cependant ce à quoi elle tenait si justement ses mœurs, ses coutumes, ses habitudes, ses droits, son âme enfin et sa vie. Un membre du Conseil souverain était un personnage Le Conseil n’accordait d’hommages qu’au Roi, aux