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et des gens bien informés affirment que l’Empereur va céder. Toute la ville s’émeut, d’autant plus qu’elle croyait le péril à jamais conjuré. Le Conseil municipal se réunit, relit le texte qu’il avait élaboré en 1871, le juge toujours excellent, car les raisons sont les mêmes, et l’envoie. Finalement, il a partie gagnée.


III

Il est, dans Colmar, quelques mètres de terre où toute l’histoire de la ville est, non pas seulement contenue, mais comme offerte aux yeux, c’est le Musée, non pas en effet un musée pareil aux autres musées, où l’on a recueilli au hasard des tableaux, des meubles et des livres, mais un musée qui renferme toute la gloire religieuse de Colmar, toute sa gloire artistique, tout son passé de ville autonome.

Le Musée même est l’ancien couvent des religieuses dominicaines ; il comprend une église, un cloître et des bâtimens conventuels, dont l’origine remonte au XIIIe siècle, vaste quadrilatère que d’étroites fenêtres ogivales, alternant avec des contreforts, éclairent à l’extérieur et que dessinent, à l’intérieur, les fines arcades du cloître. A côté, le théâtre occupe l’emplacement de l’hôtellerie et du cimetière. Or ce couvent, le plus illustre parmi tant de couvens bâtis à Colmar, c’est le couvent des Unterlinden : il perpétue le souvenir de la plus belle floraison mystique qu’aient jamais Vue les siècles écoulés. Il avait été fondé en 1232, d’abord selon la règle de saint Augustin, par deux veuves, Agnès de Heringheim et Agnès de Mittelheim. Après s’être transféré, pour s’agrandir, en un endroit isolé appelé Uf Muhlen, auprès d’une chapelle de saint Jean, il retourna, sous la crainte des pillards, à sa demeure primitive et passa sous la règle de saint Dominique. Les religieuses étaient alors au nombre de huit, presque toutes sorties d’humbles familles villageoises. Très vite leur pitié et leur zèle, les souffrances qu’elles s’infligeaient afin de réduire le corps à n’être que l’instrument docile de l’esprit, provoquèrent parmi elles des visions, des extases, voire le don de prophétie : dans les annales du mysticisme elles tiennent la première place. On ne lit pas sans une émotion profonde le livre où Catherine de Guebviller, flambeau de sainteté, entrée au couvent à dix ans, écrivit