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LES
ITALIENS EN TUNISIE


I

Depuis vingt ans, des groupes compacts d’émigrans italiens, battant en retraite devant la famine, la malaria, les tremblemens de terre, débarquent en Tunisie. Presque tous viennent de la Sicile, de la Calabre, des Pouilles, de la Basilicate, au risque de transformer en désert ces régions « éloignées du cœur et du cerveau de l’Italie, » où s’agitent les perpétuels problèmes du Mezzogiorno. La condition des paysans y est vraiment triste : il est naturel qu’elle pousse un grand nombre d’entre eux à abandonner le sol natal, trop pauvre pour les nourrir. L’ouvrier des champs finit par aller grossir le torrent humain qui précipite tant de forces vives vers le nouveau monde, en lançant une dérivation sur la Tunisie.

L’émigration serait pour l’Italie une soupape de sûreté très efficace, si l’on pouvait la fermer à temps, pour empocher toute la vapeur de s’échapper au dehors. Mais, le moyen de barrer la route à cet exode spontané, de l’aiguiller même opportunément ?

Malgré sa bonne volonté, le Cabinet de Rome n’exerce que peu d’influence sur ces fleuves vivans, soumis à des lois mystérieuses, qui se forment, grossissent, diminuent, s’entre-croisent, se dédoublent et changent de direction. M. Enrico Ferri estime que l’agent d’émigration le plus sûr, c’est le timbre-poste, la