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brume. La nouvelle se répand. D’autres isolani partent en hâte et débarquent à Tunis avec leur avoir tout entier dans un mouchoir. La maisonnette de Lorenzo leur sert de guide et d’encouragement. Chacun rivalise de zèle et d’entrain. Bientôt, d’autres cabanes surgissent le long des traînées de vignes, et voilà un village italien de plus.

Le 1er janvier 1908, les Italiens possédaient 5 354 hectares plantés en vignes.

Ces paysans n’ont en général que deux bras solides et une bonne volonté à toute épreuve. Quelques-uns, très rares, possèdent le prix d’un terrain, quatre ou cinq billets de cent lire. L’un des premiers immigrans de cette catégorie plutôt fortunée acheta, 9 fr. 60 l’hectare, une terre aux environs de Tunis. Au lieu d’en entreprendre la culture, il découpa sa propriété en petits lots, qu’il revendit moyennant une rente perpétuelle de 20 francs par hectare. Cette opération fructueuse attira des capitalistes italiens qui débitèrent également au détail leurs achats en gros, et la petite propriété tomba de plus en plus aux mains de leurs compatriotes. La courbe représentative de ce mouvement est nettement ascendante, sans défaillance, au moins pour la superficie :


Propriétés rurales italiennes «
Nombre Superficie en hectares
1881 69 2 700
1891 305 9 400
1901 665 33 945
1904 890 45 000
1906 1 042 77 635
1907 1 093 84 146
1908 1 014 89 927

Ces chiffres n’ont rien d’inquiétant pour nous, si l’on songe que les colons français, poursuivant un mouvement parallèle de grande envergure, possédaient dans la Régence, en 1908, 700 000 hectares, contre 531 000 en 1900.

Ajoutons que les achats italiens, faits sans plan préconçu, en des points quelconques, réduisent à néant le plan machiavélique que l’on prêtait à nos collaborateurs : acquisition de terrains et création de villages aux points stratégiques, c’est-à-dire, prise de position à peine déguisée. N’est-ce point un roman imaginé de toutes pièces par des alarmistes ?