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simplement la disproportion entre les élémens français et italien. Evidente dans les villes, cette disproportion apparaît moins dans les campagnes. Il y a aujourd’hui cent fois plus de Français ici qu’il n’y en avait en 1881, assurent les rapports officiels, et ils ajoutent : « Nous avons le droit d’être fiers de ce résultat. » N’est-ce pas le comble de l’optimisme bureaucratique ? Car, après trente ans d’occupation, avec beaucoup d’efforts, de promesses et de faveurs, nos compatriotes ne forment que 26 p. 100 de la population européenne. Nous ne contestons point pour cela l’œuvre créée dans la Régence par les vaillans colons français ; nous regrettons simplement qu’ils n’y viennent qu’en trop petit nombre.

Ceux qui considèrent cet afflux d’étrangers comme un danger possible, écrivains, politiciens, économistes, ont étudié le problème sous toutes ses faces et proposé des remèdes. L’un fonde de grandes espérances sur l’assimilation. Peut-on compter sur le temps pour l’opérer ? Oui, répond M. Loth. Il faut pour cela multiplier les écoles françaises ; les Italiens les fréquenteront pour apprendre la langue officielle.

M. Loth conseille aussi de favoriser la naturalisation ; mais cette question ardue ne paraît pas encore mûre. En 1907, 51 Italiens seulement ont demandé à acquérir la qualité de Français. En 1908, le nombre des demandes s’est élevé à 68, dont 35 venant d’Italiens nés en Tunisie. Ce mouvement intime ne dépasse pas une moyenne de 32 par an, depuis vingt ans. D’ailleurs, les Italiens le déclarent eux-mêmes : « L’intérêt bien compris de la France lui conseille de conserver les Italiens tels qu’ils sont, des amis sincères, plutôt que d’avoir en eux, après naturalisation, des fils d’une foi douteuse et d’un patriotisme incertain. »

En faisant cette déclaration, les Italiens, estiment que le travail ne leur confère point la part d’autorité sociale à laquelle ils ont droit. M. Tittoni reconnaît que c’est là une règle générale contre laquelle on lutterait vainement. Dans la Plata, le capital anglais confère une influence que ne donne pas le travail italien. La naturalisation fournirait un moyen de combattre cette anomalie ; et, pour la favoriser, M. Tittoni a déposé à la Chambre, le 18 novembre dernier, un projet de loi qui facilite la réacquisition de la nationalité italienne pour ceux qui, après l’avoir perdue, reviennent se fixer en Italie. L’ancien ministre