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nous sont pas indispensables. Nous en avons. Va-t-on nous obliger à accueillir tous les immigrans en marge des travailleurs vraiment utiles à la colonie ? On dirait que nous innovons. Que se passe-t-il ailleurs ? En Egypte, sir John Aird, manquant de main-d’œuvre pour les gigantesques travaux du barrage d’Assouan, a demandé des terrassiers et des maçons. Quand la Turquie entreprendra le plan d’irrigation de la Mésopotamie, elle réclamera des tailleurs de pierre.

L’Australie décide de mettre en valeur une partie de ses terres de l’Ouest. Ce pays, où 4 millions et demi d’habitans peuplent 8 millions de kilomètres carrés, fait appel aux travailleurs étrangers. D’emblée, il repousse les hommes de couleur, qu’ils soient rouges, noirs ou jaunes ; il lui faut des travailleurs blancs et, avec raison, il jette son dévolu sur les Italiens éprouvés et appréciés partout, à Panama, en Tunisie, dans les mines d’Amérique et les plantations de San Paulo. Que demande-t-il pour défricher ses terres ? Des paysans. Est-ce à dire que des artisans de toute sorte et des professionisti vont s’embarquer pour le Queensland ? Libre à eux de tenter la fortune ; mais si l’Australie les admet et qu’ils y meurent de faim, accusera-t-on les autorités du pays ?

Loin pourtant de suivre les Australiens dans cette voie exclusive, le Protectorat a fait quelque chose en faveur des avocats. Le décret du 16 mai 1901 reconnaissait à tout licencié en droit de nationalité quelconque, fixé en Tunisie, la faculté de demander son inscription à l’un des barreaux de Sousse ou de Tunis. On espérait que les étrangers inscrits rempliraient, au point de vue de l’instruction classique, les mêmes conditions que les Français, c’est-à-dire, qu’ils posséderaient le diplôme de bachelier. Il n’en fut point ainsi. D’où, infériorité pour nos compatriotes, qui passent leur baccalauréat et remplissent en outre les obligations du service militaire. Un décret du 27 avril 1908 s’est proposé de rétablir l’égalité : tout avocat devra posséder désormais le baccalauréat français, que les intéressés peuvent préparer dans les lycées de la Régence. Mais, une disposition particulière édulcore ce règlement. On n’exigera pas le diplôme français des étrangers titulaires d’un certificat d’études analogue, obtenu dans leur pays. Ceci calmera-t-il l’excitation qu’a soulevée la question des dispenses, parmi les barristers de Tunis ?