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et « l’île » tout court signifiaient la place Royale et l’île Saint-Louis, — était la promenade élégante. Les pavillons brique et pierre, qui en formaient le pourtour, contenaient les premiers « salons » dont ait parlé l’histoire : les « Messieurs du Marais » se donnaient rendez-vous chez Mme de Rohan et les « dix-sept seigneurs » chez Bassompierre. Le loyer du maréchal était le plus élevé — 16 300 francs ; — celui du président de Potier-Blérancourt ne dépassait pas 9 800 francs, et tel autre 7 500 francs pour une façade de 15 mètres sur 54 de profondeur.

Les loyers de 10 000 à 20 000 francs qui, dans le Paris actuel, sont au nombre de 2 300, étaient cités au XVIIe siècle : ceux de l’ambassadeur d’Angleterre, rue de Tournon, et de Cinq-Mars, pour l’hôtel de Clèves, étaient de 15 000 francs et l’on blâma beaucoup la folie de Mme de Coislin qui louait 19 500 francs l’hôtel d’Estrées, rue Barbette.

Les immeubles offerts dans les Annonces-Avis de 1633 comportent, pour 8 000 à 9 000 francs, 3 salles et 4 chambres, parfois avec mention de « belles peintures » murales, cuisine, cour, une ou deux portes cochères, jardin souvent et toujours remises et écuries pouvant contenir de 5 à 11 chevaux ; le tout situé dans les quartiers du Temple, du Louvre ou du Pont-Neuf. Pour 4 à 5 000 francs, on a, place Maubert ou rue des Grands-Augustins, « grande salle, 4 chambres, bouges, cabinets, galerie, cour, caves, écurie pour 4 chevaux. » Pour 2 000 francs, l’on peut encore avoir « 6 chambres avec cabinets, 1 pavillon avec études, 2 caves, 2 boutiques, cour et puits ; » mais ici l’on n’a plus de « porte cochère. »

Cinquante ans plus tard, M. d’Aubigné comptait mettre 5 200 francs à son hôtel. Mme de Maintenon affirme qu’à ce prix « il sera fort beau ; » que l’on doit trouver, pour 3 500 francs, « vers le quartier de Richelieu, des Petits-Champs, tout le tour du Louvre et toutes les petites rues qui aboutissent, de côté ou d’autre, à la rue Saint-Honoré. Vous pourriez encore, écrit-elle à son frère, si le Pont-Rouge est rétabli, vous étendre sur les quais. Vous aurez toujours assez de logement dans une maison où il faut deux remises de carrosses et une écurie pour 8 ou 10 chevaux. » L’on ne sait ce qu’il advint de la location projetée ; nous avons dit, dans un article précédent[1], que le

  1. Voyez la Revue du 15 avril, page 804.