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de Molière, pour sa maison de la rue Saint-Honoré (8 200 francs en 1638), ou si tel avocat, tel épicier, tel contrôleur de la Chancellerie, voire tel receveur général des Monnaies ou tel entrepreneur des bâtimens du Roi, ont payé seuls les 7 000, 9 000 et 10 000 francs par an qui leur incombent en personne. Et cette observation est nécessaire, parce qu’à ne considérer les maisons qu’en totalité, sans prendre garde qu’on les morcelait, on serait porté à exagérer beaucoup le nombre des gros loyers de jadis.

Si la hausse des loyers, depuis le moyen âge jusqu’à la fin de l’ancien régime, n’avait pas correspondu à la hausse du sol, c’est que les maisons du peuple et de la bourgeoisie avaient perdu ce caractère de domicile personnel, qu’elles gardaient à la campagne et dans les localités secondaires, pour devenir des ruches humaines où chaque famille occupe privément un certain nombre d’alvéoles, sous la condition de payer son terme au propriétaire.

Cette division en appartemens devait être difficile dans les hôtels construits sur les plans antérieurs à Louis XIII, où « l’on ne savait que faire une salle à un côté, une chambre à l’autre et un escalier au milieu. » On apprit de Mme de Rambouillet à placer à l’extrémité du bâtiment ces escaliers de pierre, précédemment disposés en spirale avec une corde fixée au mur, dont la forme se modifia. On obtint ainsi une suite de pièces ; car « plusieurs, sans être de grande qualité, remarquait Fontenay-Mareuil (1610), commençaient déjà à mettre une salle et une antichambre devant leur chambre. » On s’avisa au même temps de placer les portes et les fenêtres vis-à-vis les unes des autres et de faire celles-ci hautes et larges, descendant jusqu’au sol pour laisser jouir de la vue des jardins.

Les 4 000 maisons « à porte cochère » que Germain Brice (1718) apprécie en moyenne à 6700 francs, s’élevaient parfois au triple sous Louis XVI, témoin l’hôtel de la rue de Vaugirard dont le marquis de La Blache payait 10000 francs le premier étage ; le rez-de-chaussée et le deuxième étant loués séparément à deux autres seigneurs pour 4 000 et 5 000 francs.

La « porte cochère » constituait, entre les deux catégories de logemens parisiens, une démarcation profonde. On n’y pouvait renoncer sans déchoir. Il était presque ignoble de ne pas « demeurer en porte cochère. » Fut-elle bâtarde, c’est-à-dire trop exiguë pour le passage d’un carrosse, elle avait un air de décence