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angoissée de l’au-delà éclatent en si formidables accens. C’est son fidèle imitateur, Jacopone da Todi, qui donnera, quelques années après, le Stabat Mater speciosa et le Stabat Mater dolorosa où les joies et les douleurs de la Vierge Marie, au jour de la Nativité et au jour de la Passion, s’expriment successivement en des termes doux et caressans comme des baisers, graves et douloureux comme des sanglots.

Pour les disciples de François, comme pour lui-même, foi, poésie, musique, peinture ne font qu’un. L’accompagnement des notes jaillit de leur enthousiasme, avec les paroles, en même temps que le génie plastique et pittoresque de la race y éclate par les images solides et brillantes. Presque tous ces hymnes et cantiques offrent des suites de statues et peintures vivantes, que les artistes n’auront aucune peine à fixer, dans le marbre ou sur les murs, par le ciseau et le pinceau. C’est le même langage, ardent, net et coloré que celui du prêcheur populaire, en pleins champs ou sur les places publiques, qui remuait les foules par la justesse et la vivacité de ses paraboles spontanément empruntées au spectacle environnant des beautés naturelles, humaines, animales, végétales. C’est la même association spontanée d’exaltation, de tendresse, de mélodie, de coloris que dans le Cantique du Soleil, improvisé par le Saint, un jour de souffrance, sur la terrasse ensoleillée où l’avait recueilli la piété de sainte Claire. Et de quel exemple avait été pour les Franciscains l’effet immédiat produit par ce rappel triomphal à l’admiration et l’amour du monde terrestre en attendant les joies suprêmes du monde céleste ! N’avait-il pas suffi de l’entonner, ce chant, dans une salle du palais d’Assise, pour y rétablir la paix entre les partis hostiles, le pouvoir ecclésiastique et le pouvoir civil, en faisant pleurer d’une émotion commune l’Evêque et le Podestat ?

François légua donc à tous ses successeurs sa passion pour la poésie et la musique. Quant à lui, il ne les avait jamais séparées. Tout le long de sa vie, jusqu’à sa dernière heure, on l’entend chanter en français, en latin, en italien. Parmi les oiseaux, ses petits frères, ceux qu’il aime le plus sont les clairs et tendres mélodistes, les alouettes, chantres de l’aurore, les rossignols, chantres de la nuit. C’est pour les alouettes qu’il voudrait aller voir l’Empereur, lui demander l’institution d’un jour de fête, en hiver, en leur honneur et pour leur assurer leur