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Romagne, se levèrent en sursaut, croyant le soleil levé, et sellèrent et chargèrent leurs bêtes. »

Ni son tempérament, ni son éducation, ni son entourage, ne permettaient donc au nouveau Christ d’éprouver pour les œuvres de l’homme, exprimant la beauté des œuvres de Dieu, aucune de ces répugnances que les théologiens austères avaient héritées des premiers martyrs et des premiers docteurs en lutte avec la corruption monstrueuse du paganisme agonisant. Il défend bien à ses disciples l’abus des lectures et des écritures, par crainte des sophismes et subtilités scolastiques, mais il ne leur saurait interdire la pratique des arts instructifs et édifians. Un an avant sa mort, en 1225, un des siens, Fra Jacopo Torriti, signe la mosaïque absidale du Baptistère, à Florence. Trois ans plus tôt, François lui-même, au couvent de Subiaco, semble avoir posé, devant un peintre qui l’y a représenté, debout, en pied, de grandeur naturelle, sur la muraille, coiffé du capuchon, en simple moine et pèlerin, sans stigmates ni auréole (1222). D’après saint Bonaventure, un autre portrait du saint, sans stigmates, c’est-à-dire, fait de son vivant, se trouvait, un peu plus tard, dans la chambre d’une grande dame, à Home. La pieuse patricienne se désolait de cette omission, mais, à force de prières, elle obtint le renouvellement, sur la peinture même, du miracle de l’Alverna. Un beau matin, les stigmates s’y trouvèrent imprimés spontanément. La patricienne est assurément cette fidèle amie et protectrice du Saint, qu’il appela à son lit de mort, Madonna Jacobina de’ Settesoli, de la grande famille des Frangipani, qui repose auprès de lui dans la Basilique d’Assises. Le tableau légué par elle se voit encore dans l’église San Francesco a Ripa. Même type, maigre, basané, barbu, aux yeux noirs et perçans, qu’à Subiaco, celui qu’on trouvera encore, après sa mort, en 1235, sur le panneau de Berlinghieri, à Pescia, sur ceux de Giunta ou quelque autre Pisan dans la basilique d’Assise et à Sainte-Marie des Anges. Avec quelques différences de détails, c’est bien l’Italien, sec et délicat, vif et nerveux, dont Thomas de Celano nous a laissé, au physique et au moral, le signalement précis et minutieux, en style de passeport ou de fiche judiciaire : « Homme très éloquent, de visage gai, d’esprit bienveillant, aussi exempt de bassesse que d’insolence. Taille ordinaire, plutôt petite, tête moyenne et ronde, face oblongue et saillante, front étroit et lisse, yeux