Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/794

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consacrée. Celles de sainte Marie-Madeleine, sainte Catherine, sainte Cécile, sainte Ursule et bien d’autres, recueillies par les musées toscans, montrent les étapes intéressantes de ce progrès. Là s’élabore lentement pour l’art des fresquistes en Italie, comme autrefois en France, dans les miniatures, pour l’art de nos imagiers et de nos verriers, un fonds inépuisable de groupemens, mouvemens, gestes, le plus souvent mal rendus, mais naturels et spontanés, d’où va sortir, dans Assise même, cette merveilleuse floraison d’épopées grandioses ou familières qui annonce, d’abord, les approches, puis détermine l’arrivée définitive, d’un renouveau durable et lumineux.

Les sculpteurs toscans, mieux outillés, dès le commencement du siècle, sous des influences venues à la fois du Nord et du Midi, avaient pris, de leur côté, une part active à ce mouvement, avec une incontestable supériorité technique. Il ne semble pas toutefois que ce franc retour à la vérité, cette observation sincère et nette de la réalité, cette traduction, noblement et délicatement expressive, des passions habituelles et des émotions les plus pures de l’humanité, soient principalement dus, comme on le répète, à Nicolas, citoyen de Pise, mais d’origine apulienne. Si l’on en juge par son célèbre chef-d’œuvre à Pise, la chaire du Baptistère (1260), ce qu’apporta, surtout, son génie, robuste et dramatique, dans l’art local, fut l’admiration, chaleureuse et intelligente, mais violente et presque exclusive, d’abord, pour la facture puissante, massive, tourmentée des sarcophages romains. Cette admiration va jusqu’à la transformation pure et simple des matrones, déesses, empereurs, rhéteurs païens, en personnages chrétiens, la Vierge, Jésus-Christ, les Apôtres et les Saints. S’il se montre, pour la technique, un admirable novateur et précurseur, il s’affirme, pour l’imagination, un réactionnaire décidé, en lutte avec l’esprit de son pays et de son temps, à l’heure même où François d’Assise, ses disciples, ses poètes, ses artistes, viennent de réveiller, pour les beautés simples de la vie actuelle et de la nature environnante en même temps que pour les espérances célestes, un enthousiasme chrétien et spiritualiste, d’une tendresse et d’une délicatesse encore inconnues.

L’heure du dilettantisme classique et des virtuosités professionnelles, heureusement, n’était pas encore sonnée. Par un phénomène qui n’est point rare dans l’histoire des lettres et des