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ne semble pas toujours possible d’accepter, sans réserve, ses affirmations non plus que celles de ses prédécesseurs, on éprouve toujours un vif plaisir à le suivre dans ses analyses et observations.

Selon lui, le plus ancien témoignage de son génie novateur laissé par Cimabue doit être cherché, dans l’église inférieure, à la base d’une voussure portant huit épisodes évangéliques de style giottesque, une Madone avec saint François. La Vierge, comme dans les retables de l’Académie à Florence et du Louvre à Paris, y siège sur un fauteuil royal que gardent et soutiennent, de chaque côté, des anges, aux têtes penchées, aux mains effilées, de physionomies graves, mais douces et attendries, qui sont bien de la même famille. Le saint François est une transposition, assez fidèle, de l’effigie primitive, par une main plus souple et plus habile, qui atténue la maigreur fiévreuse, l’allongement excessif de l’image maladive conservée dans la sacristie. D’autres critiques, au contraire, s’étonnant que les autres cadres de la fresque aient pu attendre si longtemps leur décor, croient devoir reporter la date du morceau aux dernières années de l’artiste. En tout cas, nul ne lui en conteste la paternité.

Soit avant, soit après cette œuvre typique, c’est pourtant dans l’église supérieure que Cimabue, Cavallini et leurs associés ont déployé, sur un plus vaste champ, toutes les ressources de leurs imaginations décoratives et de leurs talens poétiques et dramatiques. Malgré la dégradation de certaines parties, c’est encore, dans le transept et dans la nef, un émerveillement pour les yeux d’abord, pour l’esprit ensuite, devant l’unité, enveloppante et fascinante, de l’ensemble décoratif. Grandes compositions, figures accouplées, figures isolées, en pied ou en buste, s’y suivent ou s’y entremêlent, du haut en bas, sur les soubassemens et parois, dans les écoinçons des baies, derrière les colonnettes de, s galeries, dans les segmens des voûtes. Ces apparitions sont distribuées avec tant de clarté et de variété, si harmonieusement séparées à la fois et rapprochées, par les bordures et nervures en plate peinture, à décors géométriques ou fleuris, que l’on se sent comme transporté et baigné dans une atmosphère idéale pleine de visions colorées et parlantes. C’est l’impression subtile et pénétrante qu’on éprouve en Italie dans toutes les églises et palais où l’ensemble du décor Moyen âge et