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été, il a commencé d’exercer une influence qui se prolonge. Par son tempérament et par sa méthode, il a donné à la philosophie quelque chose de simple et d’humain. Par son positivisme, si mêlé de spiritualité, il a grandement contribué à l’œuvre caractéristique de notre époque, à ce travail d’analyse et d’expérimentation qui conteste l’extension universelle de la domination rationaliste et qui fait leur place aux puissances intuitives de l’esprit.


I

William James ne s’était pas d’abord destiné à la philosophie. Il devait être médecin. Étudiant à Harvard, il y a suivi les cours de sciences, et appris la physiologie, la géologie, l’anatomie ; il y a conquis ses grades ; il y est devenu ensuite professeur, et ainsi toute sa vie s’est écoulée à l’ombre familière de la même université américaine. Il enseignait depuis neuf ans la physiologie et l’anatomie, quand il a occupé la chaire de philosophie. Le passage de la médecine à la psychologie n’a rien qui étonne de nos jours, tant les deux arts ont coutume depuis déjà nombre d’années d’avoir des adeptes communs. Cette double culture a servi William James à plus d’un égard. Lorsque, laissant la physiologie pour se consacrer à la psychologie, il a déclaré que la seconde dépassait la première et lui était irréductible, on n’a pu lui reprocher d’insuffisantes connaissances scientifiques. Pour une grande part, l’intérêt des idées de James, la force de ses argumens, l’influence de son enseignement, tiennent à ce que ce philosophe était un savant, et chaque fois qu’il a jugé que les faits humains débordaient les cadres de la science, sa parole s’est fortifiée d’une autorité particulière. Il a d’ailleurs procédé très lentement, très prudemment, dans ses recherches comme dans ses publications. Ses premiers articles datent de 1878 ; ses fameuses études sur la conscience parues dans le Mind sont de 1889. C’est en 1890 seulement, à l’âge de quarante-huit ans, que, rassemblant ces chapitres divers en un tout, il a donné ses Principes de Psychologie, resserrés depuis en un Précis de Psychologie. Douze ans plus tard, en 1902, ont paru les Variétés de l’Expérience religieuse qui sont peut-être le livre de philosophie le plus lu dans le monde. En 1907 enfin, William James a écrit son Pragmatisme et, en 1909, l’Univers