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énonce strictement un fait, et il y a réellement une expérience religieuse.

De ces prolongemens du moi conscient au-delà du monde de la sensation et de la raison, les manifestations sont de nature inégale. Mais William James pratiquant la méthode expérimentale n’en veut dédaigner aucune. Il fait donc par exemple une place à la mind cure, la cure mentale inventée par les Américains. Mêlée d’élémens évangélistes, idéalistes, spirites même, elle consiste à croire que les attitudes optimistes suffisent à sauver de tous les maux. Les aspirations d’un individu attirent à elles par leur seule force toutes les aspirations du même ordre éparses dans le monde : les puissances divines doivent être mises de notre côté en ouvrant notre esprit à leur influence. « L’Univers va bien, donc tu vas bien. » Voilà quelle est la formule caractéristique de la cure mentale. Les résultats obtenus, on l’assure, sont merveilleux. Des malades ont retrouvé la santé, grâce à une robuste affirmation de leur bon état ; des gens bien portans ont régénéré leur caractère, ce qui n’était peut-être pas moins difficile. Nombre d’adeptes sont arrivés peu à peu à un état d’équilibre, de sérénité, par la seule volonté d’être satisfaits du monde, de tenir les impressions désagréables pour non avenues, d’affirmer leur bonheur pour le créer. On raconte même qu’il y a des familles où il est interdit de se plaindre du mauvais temps, afin de vivre en harmonie avec les puissances mystérieuses de la température. Cet optimisme spéculatif et pratique à la fois ne paraîtra sans doute à personne une forme supérieure de ces voyages du moi conscient dans l’invisible. C’en est cependant une forme et, à ce titre, William James ne lui refuse pas quelque intérêt. Il a des complaisances, comme on sait, pour les sciences occultes ; il a prévu dans son testament le cas où on évoquerait son esprit et il a pris date ; il manifeste pour tout ce qui est surnaturel un intérêt mêlé de sympathie.

Mais gardez-vous de conclure de là à un penchant banal pour le mystère, et de croire que James ne fait pas de distinction entre les manières dont se traduit la communion de l’esprit avec l’invisible. Examinant au cours de son livre les différentes attitudes des philosophes et des croyans devant la destinée, il a très finement marqué les nuances. Beaucoup d’hommes au point de vue pratique « acceptent l’univers, » pour employer la formule de James, mais ils ne l’acceptent pas tous dans le même esprit.