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demandons depuis tant d’années. Au mois de novembre dernier, le président du Conseil a pris, devant la Chambre des députés, l’engagement de faire cette réforme, et les Chambres semblent disposées à voter les crédits nécessaires. Espérons qu’on aura bientôt remédié à cette lamentable désorganisation qui condamne tant d’aveugles à la misère.

Quand un aveugle d’intelligence moyenne et de bonne santé a passé par une de nos bonnes écoles, il est, d’une façon générale, en état de se tirer d’affaire. Mais toujours, au moins dans les débuts, il a besoin d’aide. Il serait donc nécessaire que dans toutes les écoles on trouvât une société de patronage pour s’occuper des anciens élèves. Le patronage est excellent dans nos écoles modèles, à l’Ecole Braille par exemple qui appartient aujourd’hui au département de la Seine, et qui fait de très bons ouvriers manuels ; ou encore à l’Institution Nationale de Paris qui prépare surtout des musiciens et des accordeurs et où la société de patronage, qui porte le nom significatif de « Société de placement et de secours des anciens élèves, » doit une prospérité particulière au dévouement d’un homme de cœur qui lui consacre sa vie. Dans la plupart des autres écoles, de semblables sociétés n’existent pas ou n’existent que passagèrement.

Comme tant d’œuvres de bienfaisance, elles doivent parfois une existence éphémère à un homme. Lui disparu, on ne fait plus rien, on abandonne les anciens élèves à eux-mêmes ; et alors la charge retombe tout entière à l’Association Valentin Haüy, la patronne désignée de tous les aveugles. Mais la tâche est manifeste ni ont trop lourde. Elle l’est d’abord parce que le patronage à exercer est d’une grande complexité : il varie avec les métiers, et chacun conçoit que l’aide réclamée par un musicien ou un accordeur est différente de celle qu’on doit à un ouvrier ; il varie même avec les individus et avec les localités qu’ils habitent. Et puis, dans les circonstances présentes, il est peut-être plus que jamais nécessaire et absorbant. En effet, la situation des musiciens devient plus difficile. L’objet principal de l’Institution nationale, depuis soixante-dix ans et davantage, a été de former des organistes, et ce qui a fait que la France, mère de Valentin Haüy et de Louis Braille, n’a pas cessé d’être la terre bénie des aveugles, c’est que les postes d’organistes y étaient rétribués mieux qu’en aucun autre pays. Grâce à l’orgue,