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REVUE MUSICALE




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UN BIENFAITEUR DE WAGNER


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Le plus grand, ce n’est pas le roi Louis II : c’est un autre prince, « prince par le cœur, » disait Wagner lui-même en un jour de reconnaissance, c’est Franz Liszt. Celui-là, un livre excellent vient de glorifier son œuvre et sa vie, son génie et son âme[1]. L’occasion est peut-être favorable de relire la correspondance échangée entre les deux musiciens de 1841 à 1861, c’est-à-dire pendant les vingt années en quelque sorte centrales de leur existence, de leur carrière et de leur amitié[2]. Sur ces vingt ans, Liszt en passa treize en cette petite ville de Weimar qu’il devait, après et non moins que Gœthe, illustrer. Là, dit fort bien M. Chantavoine, compositeur, directeur de la musique au théâtre grand-ducal, chef d’orchestre, professeur, écrivain, secondé et souvent inspiré par la princesse Wittgenstein, admiré, visité par tous les artistes de l’Europe, Liszt « égala, » selon le rêve de sa jeunesse, la « condition du musicien à celle des poètes, des philosophes, des hommes d’État. » C’est à Weimar qu’il trouva le loisir et le pouvoir de développer enfin, dans tous les sens, « par un rayonnement divers et magnifique, toutes les virtualités de son génie. » À Weimar, ou pendant la période de Weimar, Liszt a composé les plus originales et les plus belles de ses œuvres (en dehors de ses oratorios) ; les Poèmes symphoniques, la sonate pour piano, la symphonie de Faust et celle de Dante.

  1. Liszt, par M. Jean Chantavoine, 1 vol. Collection des Maîtres de la musique, F. Alcan, éditeur. Paris, 1910.
  2. Correspondance de Wagner et de Liszt, traduction française par L. Schmitt, 2 vol. Paris, librairie Fischbacher, et Leipzig, chez Breitkopf et Haertel, 1900.