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REVUES ÉTRANGÈRES

À PROPOS DU CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE
DE LA MORT DE SCHOPENHAUER


Schopenhauer’s Leben, par Wilhelm von Gwinner, 3e édition, entièrement revue et augmentée d’un grand nombre de documens nouveaux, un vol. in-8o, Leipzig, 1910. — Schopenhauer’s Gespræche und Selbstgespræche, par Eduard Grisebach, un vol. in-18, Berlin, 1898. — Schopenhauer. Neue Beitræge zur Geschichte seines Leben, par Eduard Grisebach, un vol. in-18, Berlin, 1905.


« Schopenhauer me donna rendez-vous pour le soir à l’hôtel d’Angleterre, où il prenait ses repas. J’arrivai vers la fin de son dîner, et je le trouvai assis à table d’hôte, à côté de plusieurs officiers. Je remarquai devant lui, près de son assiette, un louis d’or qu’il prit en se levant et qu’il mit dans sa poche. « Voilà vingt francs, me dit-il, que je mets là depuis un mois, avec la résolution de les donner aux pauvres le jour où ces messieurs de la table d’hôte auront parlé d’autre chose, pendant le dîner, que d’avancement, de chevaux, et de femmes ! Je les ai encore. »

Racontée jadis au public français par Challemel-Lacour, cette anecdote a peut-être plus efficacement contribué que toutes les traductions et tous les commentaires de l’œuvre philosophique de Schopenhauer à entretenir chez nous la réputation du dernier grand métaphysicien de l’école allemande. Qui de nous, à force de la lire ou de l’entendre, ne s’est pas accoutumé à reconnaître en elle comme un résumé symbolique de la personne et de la vie tout entière du célèbre misanthrope de Francfort, imperturbablement dédaigneux et amer, avec une continuelle ironie que son relief accusé et sa verve un peu